Appartement d'Elisabeth

Elisabeth arriva enfin devant l’immeuble où se situait son appartement.
Elle jeta un rapide coup d’œil à l’ensemble, afin de vérifier qu’il correspondait à la photo qu’elle en avait reçue.
Parfait se dit-elle.



Elle avait obtenu un rendez vous pour visiter l’ultime étage. Le 58è si elle se souvenait bien.
Un portier l’attendait. Visiblement, il avait été averti de sa visite.

Bonjour. Vous devez être Madame Buchanon. Soyez la bienvenue. Mon nom est Mark. Si vous avez besoin de quoique ce soit, n’hésitez pas à prévenir Madame Spencer ou moi-même, nous sommes à votre disposition.

Elisabeth était enchantée. Politesse, respect, accueil, ton de la voix. Un endroit convenable… et sûr.
Elisabeth sourit à l’homme, lui fit un signe de la tête, pour montrer son assentiment et entra dans le hall.



Le style était original et lui plaisait beaucoup. Il n’était pas aussi froid et impersonnel que le dernier lieu où elle avait vécu.

Voilà un moment qu’Elisabeth était arrivée. Elle avait cherché des terrains sur l’île qui pourraient lui convenir pour créer une nouvelle maison. Mais rien ne lui avait convenu. Trop loin de l’eau, pas assez bien situé, impossible d’y faire construire une maison avec l’éclairage souhaité. Bref, rien n’allait comme le souhaitait.

Heureusement, ce soir, il y aurait l’arrivage tant attendu. Cinq œuvres majeures. Des toiles de grands maîtres. Pour son appartement. Juste pour elle seule. Des œuvres volées elle le savait. Pour certaines confisquées chez des juifs par les nazis. Impossible de les faire réapparaître. Seulement sur le marché noir. Là où elle trouvait les meilleures œuvres.

Elle se rappelait comment elle avait découvert cet univers parallèle. Joshua. Ce nom… Cette douleur… Anthony l’avait prévenu tant de fois.
Un voile de tristesse passa sur ses yeux. Ils piquaient.
Josh… Antho… Si loin…
Maintenant, elle assurait la relève. Son argent la prévenait du besoin, mais ne lui apportait rien dans la vie. Elle n’avait pas à se battre. Juste à profiter. Autant prendre quelques risques.
Elle se voyait parfois comme une sorte de Thomas Crown. En plus jeune. En un peu moins riche aussi.

Elle tripotait son annulaire gauche machinalement. Cet anneau… pourquoi elle le portait toujours… Pourquoi garder un lien avec ce passé.
Elle voulait retrouver son passé et effacer sa seconde vie et l’inverse se produisait. Etrange paradoxe.

Allez, Il fallait continuer. Elle savait que tout le monde ignorait son premier passé et le fait qu’elle courait désespérément après.
Mais rien de concluant jusqu’à il y a deux mois. Une photo, prise ici. C’était elle visiblement, avec une femme. Sur son t-shirt, une photo de l’île. Ces hauts que seuls les touristes osent acheter.
La photo datait de 15 ans. Très vieux. Mais son premier indice depuis 6 ans. Alors à ne pas manquer.


Lasse de ruminer souvenirs douloureux et frustrations, Elisabeth décida de détendre. Elle prit un livre et songea combien il serait doux pour elle de se trouver une autre occupation. Dans l’art ou l’histoire. Il y avait une université. Peut être y trouverait-elle un poste ?
Elle prit un livre au hasard dans la bibliothèque. Hasard ? Peut être pas aux vues du titre : L’enfer de Dante. Une justice, tôt ou tard.


Les yeux rivés sur la photo dans la main, Elisabeth sortit de son appartement. La veille elle avait réceptionné une Ferrari. Une Modena, sa préférée. Un bijou, offert par son mari pour leur mariage. Elle démarra en trombe et partit en direction de l’université. Elle irait dans leurs archives voir si elle trouvait des réponses.

Son téléphone portable sonna alors.
Allo ? Nan Josh, je ne peux pas te parler
- s’il te plait…

Ce ton de supplique dans la voix, ce désespoir. Ils avaient tout patagé, même les sentiments. Ils étaient en simbyose. Mais elle ne pouvait plus, ni ne voulait tout revivre.
- inutile. Tu veux rajouter quoi ? Que tout est faux ? Mensonges… encore et toujours.
- S’il te plait… c’est au sujet de mon oncle.

La voiture fit une légère embardée.

Il est mort Josh. Mort… Que dois je savoir de plus ?
- écoute, j’arrive, on doit en parler.
- Non, inutile je te dis. Et ne me rappelle pas.
- Tu es en voiture ?
- Oui.
- Gare-toi
- Non
- Gare toi je te dis.

Jamais Josh n’avait autant insisté. Jamais il ne l’obligeait et là…
Elle se gara.

Il n’est pas mort.

Impossible. Nan, il n’aurait pas osé.
Comme une automate, Elisabeth raccrocha, sans en écouter plus et balança le téléphone portable. Plus de Josh, plus d’Anthony qui tienne. C’était réglé. De toute façon, jamais il n’aurait pu faire ça.

Elisabeth reprit la route de l’université. Mais qu’elle l’ait voulu ou non, elle était trop bouleversée. Finalement, elle s’en retourna chez elle. Une fois rentrée, toujours en mode automatique, elle prit une douche, se changea et se fit à dîner.
Il serait bientôt l’heure de son rendez-vous.
20h sonnèrent et elle partit.
Elle se dirigea droit vers le port. Elle partit vers un entrepôt qu’elle avait loué. Trois hommes l’y attendaient.
Elle serra la main du premier. Josh le lui avait présenté. Sans aucun mot de chaque côté, l’échange se fit. Il y avait une grande confiance entre eux. Elisabeth réglait par virement, trois jours après l’échange comme toujours. Elle ne regarda même pas les toiles et repartit, tout aussi calmement et sereinement qu’elle était venue.

Arrivée chez elle, elle installa les trois œuvres. Elle se servit un Cognac et, face aux trois toiles, dans son fauteuil, elle saisit le téléphone fixe et composa sans même regarder le clavier un numéro.

Ma caille, c’est Izzi. J’ai besoin de toi. Antho serait en vie. J’ai besoin d’une preuve.
- Une preuve ? ou un espoir ?
- une preuve. L’espoir je l’ai perdu avec l… Bref, peu importe. Je veux savoir. Et par la même occasion, tu as identifié la femme sur la photo avec mon précédent moi ?
- Pas eu le temps, je suis sur un gros coup.
- C’est important. Tu le sais.
- Oui… Je vais voir ce que je peux faire.
- Merci ma belle. Je te rappelle plus tard.

Elisa raccrocha et silencieusement se mit à pleurer. Il lui fallait évacuer. Une seule solution s’offrait à elle, elle le savait.