Quelque part au milieu de l'océan Pacifique.

35.

"Ambiance".. .

Plus tôt……

- J’ai toujours eu envie d’aller visiter l’Australie.
- oui c’est une bonne idée, enfin si l’on songe au fait que c’était le seul avion en partance qui avait encore des places de libre à bord.
- oui je sais.. Mais je me suis dit que si on attendait encore, j’aurais pu changer d’avis, et je ne voulais pas pouvoir changer d’avis.

Chick dévisagea celle pour qui il avait tout lâché, mais son sourire valait bien ce sacrifice. Quoique pour Christine, il n’avait pas su se résoudre à la revendre et en avait confié les clefs à Phil, lui promettant de lui donner des nouvelles, une fois qu’il saurait leur nouvelle destination. Mais cela s’était décidé à la dernière minute, ou plutôt Chick avait écouté Salsa s’enthousiasmer pour l’Australie en entendant les propositions de l’hôtesse. Il avait sourit et s’était occupé des billets pendant que Salsa feuilletait des prospectus.

Quelques minutes avant …

- hmm on regardera pour s’acheter un appareil photo, j’aimerai en faire tout plein !
- bien sûr ! mais on va avoir le temps, tout le temps qu’il faudra pour ça.

Salsa tourna son visage vers lui et lui offrit son plus beau sourire, alors il ne résista pas et se pencha pour l’embrasser, dans un long et tendre baiser. Et tandis qu’elle se retournait pour regarder par le hublot, lui admira son profil. A chaque seconde qui passait, il se disait qu’il devait rêver et qu’il allait se réveiller, mais à chaque fois, elle lui souriait et il se disait qu’un sourire pareil, ça ne pouvait pas exister qu’en rêve. C’était bien avec lui que Salsa voyageait, pour aller en Australie, rien qu’elle et lui..

- Il nous reste encore combien d’heures de vol ?
- oh beaucoup ! encore beaucoup, tu devrais peut-être essayer de dormir ?
- euh.. je ne sais pas si j’y arriverai. Bon, je vais aux toilettes, et puis j’essaierai, il parait que le temps passe plus vite quand on dort.
- ok, tu veux que je te commande quelque chose ?
- non ça ira, mais merci.. tu es un amour.

Salsa se leva et en passant devant lui, se pencha pour lui voler un rapide baiser avant de s’éclipser…

L’instant fatidique :

Elle avait disparu au bout de l’allée derrière le rideau qui séparait la classe business de la première classe, se retournant une dernière fois pour lui sourire, ce dernier sourire qu’il n’oublierait jamais, et peu après le rêve tourna au cauchemar. Brusquement l’avion s’était mis à vibrer fortement. Chick avait déjà pris l’avion, avait déjà traversé des zones de turbulence, c’est pourquoi il sut aussitôt que cela n’avait rien à voir avec ça. Il ne fut pas le seul à s’en rendre compte car autour de lui, les gens se mirent à crier et à ce moment la seule chose qu’il pensa, ce fut de retrouver Salsa. Mais quand il voulut se redresser, l’hôtesse le somma brusquement de rester assis.

- mais il faut que je retrouve Salsa !

Mais elle ne l’écoutait déjà plus, allant s’occuper d’autres passagers qui paniquaient. L’avion perdait rapidement de l’altitude, bien trop rapidement, et par le hublot Chick vit qu’ils volaient à peine à quelques mètres au-dessus de l’océan. Alors devant ses yeux écarquillés, il vit une partie de la carlingue se déchirer, s’ouvrir comme une boîte que l’on éventrait et brusquement, tandis que la dépressurisation arrachait à leur siège plusieurs passagers, quelque chose heurta sa tête et Chick perdit conscience.

36. "Ambiance"

Il n’était pas mort..
Ce fut la première pensée qui lui vint à l’esprit alors qu’il reprenait conscience. Mais à peine revenait-il à lui qu’il manqua d’air et faillit s’étouffer alors qu’il avalait de l’eau, de l’eau salée, de l’eau de mer.

- tiens bon mon gars.. tiens, prend ma main ! Allez, fais un effort !

Il entendait cette voix, des encouragements pourquoi ? Et il vit le visage de celui qui lui parlait à travers un rideau d’eau qui rendait les traits de l’inconnu encore flou. Rêvait-il ?

- Allez ! Accroche toi ! vite !

Une main saisit brusquement la sienne et le hissa sur quelque chose de dur. Sa vision devint plus clair et Chick toussa et recracha l’eau qui s’était engouffrée dans ses poumons. Il eut envie de vomir, mais il était trop fatigué pour ça. Il avait envie de dormir, mais soudain une pensée lui ôta toute envie de se laisser aller à cette douce torpeur qui l’envahissait..

- Salsa !
- quoi ?
- il faut que.. que je la retrouve..
- écoute mon gars, oublie ça pour l’instant. Toi et moi on a déjà bien de la chance d’être en vie et faut pas traîner dans le coin.. regarde.

Chick tourna la tête et aperçu dans son champs de vision quelque chose qui glissait au dessus de l’eau. Un aileron..

- Il faut pas rester là.. sinon nous aussi on va y passer. Tiens essaie de m’aider.

L’homme lui tendit un déchet de planche et s’activa de son côté à utiliser celle qu’il tenait comme d’une rame pour les éloigner de là. Chick tenta de se redresser sur cet étrange radeau sur lequel l’avait hissé l’inconnu. On aurait dit une ces boîtes de transport de marchandise. Mais le plateau manquait de stabilité et il faillit les faire tomber à l’eau tous les deux. L’homme marmonna entre ses dents quelques jurons, tout en reprenant plus ou moins une assise sur cet assemblage de bois.

- il faut que je retrouve Salsa.. je ne peux pas la laisser.

Soudain l’homme saisit Chick par le col de son tee shirt et les mots qu’il cracha tout près de son visage, furent aussi durs que le regard qu’il lui adressa.

- Y’a plus rien bonhomme, tu piges ? Ils sont tous morts ! Je sais pas pourquoi nous deux on s’en est sorti, mais les autres sont morts, et ces requins sont là pour se régaler de ce carnage. Et ils nous boufferont aussi si on se tire pas, pigé ?

Chick se dégagea avec rage de la poigne de cette brute, mais sa colère n’était rien à côté de l’immense peine qui déchira son cœur. Non, il ne pouvait pas croire qu’elle était morte, il ne pouvait pas, ce n’était pas possible. Pourtant quand il regarda autour de lui, tous ces déchets qui flottaient à la surface de l’océan, ainsi que les requins qui allaient et venaient comme des vautours, il fut évident qu’il n’y avait pas d’autres survivants.

Alors comme un automate, il se mit à pagayer sans voir ce qu’il faisait, ses yeux aveuglés par un flot de larmes. Il ne sut combien de temps, ils s’activèrent ainsi, mais les requins étaient restés vers les déchets de l’avion. Chick se courba en deux, appuyant la tête contre le bois dur et mouillé, épuisé il n’essaya plus de lutter contre la fatigue et s’endormit presque aussitôt.

37. ambiance..


Le mouvement perpétuel du ressac de la mer, finit par réveiller Chick. Il ouvrit les yeux presque en même temps que son partenaire d’infortune qui s’était finalement lui aussi effondré de fatigue. Il avait continué de pagayer avec son misérable bout de bois et finalement avait laissé le courant faire le reste. Ainsi, ils avaient passé la nuit sur l'océan à dériver. A leur grande surprise à tous deux, ils découvrirent le décor d’une plage. Ils s’étaient échoués entre quelques récifs, sur le sable et devant eux s’élevaient de somptueux palmiers, un ruban de sable qui filait jusqu’à d’impressionnantes falaises, et plus loin la végétation dense d’une jungle.

Lentement, brisés par les efforts qu’ils avaient fournis, blessés et encore choqués de ce qu’ils avaient vécu la veille, ils se redressèrent, hésitants, leur regard hagard devant ce spectacle paradisiaque. Cela leur paraissait tellement incroyable, s’échouer sur cette île après avoir échappé de justesse à la mort. Mais Chick se demandait s’il le méritait vraiment. Il ne sut pas apprécier la beauté sauvage des lieux, pas plus qu’il ne se réjouit comme l’homme qui était avec lui, de se retrouver là. Il aurait du mourir avec elle, ça aurait été bien plus simple. Et tandis que l’homme se mettait à sautiller de joie sur le sable éblouissant de blancheur, Chick se laissa tomber sur un des rochers qui bordaient ce coin de plage.

- Wouuhouuu bienvenue au paradis ! et moi qui rêvais de venir dans un coin comme ça ! Alors c’est pas génial ? hein ?

L’homme s’approcha de Chick et lui frappa gentiment l’épaule.

- allons mon gars ! Tu devrais être content d’être encore en vie ! Ah oui c’est juste t’as perdu ta dulcinée, mais faudra t’y faire. Bon tu viens ? On va visiter ? A nous deux Robinson Crusoé !!

Chick ne réagit pas, à nouveau pris par une envie de pleurer ou de crier, de protester contre son destin qui l’avait sauvé lui et pas elle. Mais il n’avait même plus assez d’énergie pour se rebeller, à quoi bon ?

- Bon ben reste là si tu veux… J’vais faire un tour pour voir ou c’est qu’on s’trouve.

Chick ne releva même pas la tête pour le regarder s’éloigner. Au lieu de quoi, il se retourna vers l’océan, si vaste devant lui et regarda au loin, jusqu’à la ligne d’horizon. Elle, elle était restée là-bas et sans elle, il n’avait pas envie de continuer à vivre. Seul, il se laissa aller à sa peine et cacha son visage dans ses mains pour pleurer sans plus de retenue, pleurer après son amour qu’il avait perdu à jamais.

Il était encore là quand l’homme revint vers lui, alors que le soleil se couchait.

- Bon, j’ai pas eu le temps de tout explorer, c’est pas juste une petite île perdue, et pour voir son envergure, il faudrait montrer là-haut sur cette falaise. On verra ça demain. J’ai trouvé un coin sympa où on pourrait passer la nuit. Bon ça va pas être facile, j’ai même pas de quoi allumer un feu. Allez reste pas là !...

.. bon Tu vas faire quoi ? rester là et te laisser mourir peu à peu ? hein ? Ben non mon gars, t’as pas le droit de faire ça.. songe à tous ceux qui sont morts.. On a une veine pas possible toi et moi, alors on va s’en sortir pour ceux qui eux n’ont pas eu cette chance. Alors bouge toi ! Allez viens !

Chick le regarda pour la première fois depuis quelques heures. Cet homme avait raison. Il n’avait pas le droit de se lamenter sur son sort, et même si cela n’effaça pas pour autant sa peine, Chick se redressa pour le suivre, silencieux.

- Moi c’est Jack, Jack Finigan, et toi ?
- Chick…
- Chick c’est tout ?
- presque personne ne m’appelle Richard Sharp.
- soit enchanté Chick !

L’homme lui serra avec vigueur la main, avant de s’engouffrer dans l’ombre des premiers palmiers..

38.

2ème jour sur l’île.

La nuit fut agitée, non pas que l’inconfort du sable l’eut empêché de dormir, il n’aspirait qu’à ça. Non, ce n'était que son subconscient qui le torturait en lui rappelant continuellement ce qu’il avait vécu, comme un film qui se déroule en boucle et la fin reste immuablement pareille, Salsa ne reviendrait plus. Alors quand le soleil à nouveau réchauffa l’air de ses rayons, Chick ne se sentait pas réellement reposé. Il resta étendu, bras croisés sous sa nuque tandis que non loin, Jack s’appliquait à quelques exercices pour étirer ses muscles endoloris. Juste avant de se coucher la veille il s’était appliqué à nouer quelques bandes de tissus autour d’une plaie qui balafrait sa cuisse. Il avait conseillé à Chick d’en faire de même avec la plaie qu’il portait à sa tempe. Chick qui n’avait même pas vu qu’il était blessé, ignorant ce mal de crâne qui l’avait taraudé tout au long de cette première journée passée sur l’île.

Jack avait repéré un petit ruisseau non loin. Au moins auraient-ils de l’eau douce, ce qui était en soit un second miracle. Tous deux s’étaient désaltérés puis avaient nettoyé leurs blessures en silence, du moins pour Chick, Jack ponctuant parfois leur silence de quelques grognements et exclamations satisfaites.

Aujourd’hui Jack décréta qu’il leur fallait trouver de quoi se nourrir, car l’eau ne suffirait jamais à les maintenir en vie.

- jusqu’à ce que les secours arrivent ? interrogea Chick, ouvrant la première fois la bouche depuis qu’il avait ouvert les yeux.
- peut-être..

Jack n’avait pas l’air de vouloir s’étendre sur la question et Chick peu désireux de parler, n’insista pas. De même que la veille, il resta là tandis que Jack partait en exploration dans l’île. Ce dernier non plus n’insista pas pour que le jeune homme l’accompagnât. Il ne semblait de toute façon pas être d’une aide très efficace. Tant pis, Jack n’était pas habitué de toute manière à compter sur les autres.

Chick finit par s’endormir, somnolant à moitié, sursautant parfois alors que des images de l’accident surgissaient brusquement dans son esprit. Puis croyant que Jack était revenu, Chick ouvrit les yeux et fixa un instant stupéfait le visage de celle qui le dévisageait. Il poussa un cri qui l’effraya et à son grand désarroi, il regarda la fillette disparaître dans l’épaisse végétation.

Soudain tout à fait réveillé, Chick bondit sur ses pieds et se mit à courir dans la jungle, comme un aveugle, à la poursuite de cette gamine qu’il venait de voir.

- attends ! ne pars pas !! Reviens !!!

Au bout de plusieurs mètres d’une course folle, il finit par s’arrêter à bout de souffle, s’appuyant sur ses cuisses, comprenant qu’elle avait disparu et qu’il lui serait impossible de la retrouver, il revint jusqu’à l’abri que Jack avait sommairement préparé la veille.

- ha tu es là ! j’ai bien cru que tu étais parti faire une bêtise. Vais p’t’être te garder à l’œil moi.
- il .. il y avait quelqu’un..
- quelqu’un, qui ?
- une fille… huit ans ou dix, je sais pas.
- une gosse ?
- oui, pendant un instant j’ai cru que je rêvais.
- bah à mon avis, tu as sûrement rêvé. Bon je nous ai trouvé quelques noix de coco.. le problème c’est qu’il faut pas trop en abuser, ça file la courante.

Chick jeta un coup d’œil distrait aux noix que Jack avait posé dans un coin. Mais il songeait encore à cette fillette penchée au dessus de lui.. Il était sûr de ne pas avoir rêvé.

Le lendemain, ses doutes furent confirmés quand Jack s’emporta contre celui qui avait bien pu lui voler les fruits qu’il avait ramassé la veille.

- tu vois, je n’avais pas rêvé.
- mouais, mais je ne sais pas si c’est bon signe ! J’ai fait le tour de l’île, le premier jour. Elle est pas très grande, bon j’ai pas encore tout visité, mais suis sûr d’une chose, c’est que personne n’habite ici..
- elle était blonde..
- hein ?
- la fille, elle avait de longs cheveux blonds. Elle n’avait pas l’air d’être du coin.

Et brusquement un détail qui l’avait titillé tout du long lui revint en mémoire. Elle portait des vêtements déchirés par endroit, de jolis vêtements qui semblaient avoir soudain passé dans une déchiqueteuse.

39. Ambiance: figlio perdute

3ème jour :

Jack n’avait pas voulu l’écouter la veille quand il lui avait parlé de la petite fille. Il avait prétendu que Chick était trop perturbé par cette histoire pour avoir les idées claires, mais en était-il vraiment convaincu lui-même ? Chick commençait à perdre patience, cet homme n’entendrait jamais raison, il aurait meilleur temps d’aller voir par lui-même et puis il n’avait rien d’autre à faire. Aussi avait-il décidé qu’aujourd’hui, il partirait à la recherche de la mystérieuse fillette. Quelque chose lui disait qu’il devait le faire, un étrange pressentiment. Elle ne pouvait être là par hasard, ce n’était pas possible, et ces vêtements déchirés, ces cheveux blonds et ces yeux bleus. Chick n’arrêtait plus d’y songer.

Alors qu’il se préparait pour une expédition dans la jungle, Jack tenta de l’en dissuader :

- tu ne trouveras rien de plus que moi de toute manière. J’ai fait le tour de cette putain d’île et y’a rien qui vaille la peine d’être signalé, de la jungle encore et encore, et quand tu as traversé tout ça, d’un côté, tu arrives là-haut.

Il désignait le haut des falaises à leur gauche.

- et par là… tu arrives de l’autre côté de l’île et là y’a plus que de la mer à perte de vue. Je sais pas ce que tu crois que tu vas trouver, mais tu te fais des illusions sans doute.
- et alors ? Je peux essayer non ? Toi qui te plaignais que je restais à rien faire !

Le ton avait été excessivement agressif, mais Chick ne comprenait pas pourquoi Jack se désintéressait tant de cette histoire alors que peut-être quelque part, une gamine se trouvait seule et livrée à elle-même.

- mouais t’as raison. Alors vas-y, mais te perds pas hein p’tit gars.

Jack s’esclaffa alors que Chick partait en direction de la jungle, sans rien d’autre que sa détermination, pour retrouver la fillette qu’il avait vue la veille. Il marcha pendant deux heures sans ne rien voir d’autre qu’une épaisse végétation où l’humidité et les moustiques régnaient en nombre, le harcelant et venant bien vite à bout de sa belle énergie du début. Il avait chaud, soif, et commençait aussi à penser qu’il avait rêvé tout ça. Quand soudain il aperçut un ruban de sable à travers les arbres, et le bleu plus loin. Chick se retrouvait à l’opposé de l’île.

Sans plus courir, il continua d’avancer jusqu’à atteindre la plage et c’est là qu’il la vit. Elle était là, jouant dans les vagues qui glissaient sur le sable blanc, sans un bruit, sans un rire et sans remarquer la présence de Chick. Il n’avait pas rêvé, c’était bien la petite fille qu’il avait vu la veille. Lentement il s’approcha jusqu’à quelques mètres seulement de la fillette qui ne l’avait toujours pas vu. Puis brusquement elle le remarqua et se figea instantanément. Son regard déjà cherchait une issue pour fuir..

- Non attends.. Ne pars pas je t’en prie. Je ne te veux aucun mal, tu ne dois pas avoir peur. Je.. je m’appelle Chick et toi ? Tu ne comprends pas ?

Chick voulut essayer quelques mots de français, mais il en avait si peu pratiqué depuis ses études. Pourtant sa misérable tentative provoqua un sourire de la gamine qui ne regardait plus partout autour d’elle avec des airs de biche effarouchée. Elle le dévisageait à présent, attendant la suite.

- Alors tu comprends dis ?

Elle hocha la tête, encore un peu sur la défensive.

- Tu ne veux pas me dire ton prénom ?
- Mélanie.
- oh Mélanie, c’est très joli… et.. tu es seule ?
- non…
- ah, ta maman ou euh ton papa sont aussi là?

La petite perdit son sourire qui se transforma en une expression si triste que Chick essaya vite de changer de sujet.

- Moi je suis avec mon ami Jack, mais bon il n’est pas très marrant lui aussi..

A nouveau, il saisit cette lueur fugace d’intérêt dans le regard de la gamine.

- mais c’est mieux que d’être tout seul et toi ? qui est avec toi ?
- je sais pas.
- ah ? tu ne sais pas ?

Chick devinait qu’il devait y aller tout en douceur, surtout ne pas l’effrayer.

- tu veux dire que tu ignores son prénom ?

Nouvel hochement de tête.

- est-ce que tu voudrais me présenter ton ami ? Oh ne t’inquiète pas, c’est juste pour parler un peu. Et voir si à moi il veut bien dire son nom.
- elle ne te le dira pas.
- ah non ? et pourquoi ? tu penses que je ne lui plairai pas c’est ça ?

Elle, c’était une femme.. Il en apprenait un peu plus .. *doucement, surtout ne pas l’effrayer*

- j’en sais rien.

Il ne savait plus que lui dire, troublé par ce qu’il découvrait peu à peu. Chick se retourna vers l’océan, et se passa une main dans ses cheveux en soupirant. La gamine ne bougeait pas à côté de lui, puis soudain, le miracle :

- mais si tu veux je peux te montrer où elle est. C’est moi qui m’occupe d’elle, je fais comme maman..

Nouveau silence.. Chick se garda de le briser, retenant son souffle. Mélanie reprit après quelques instants.

- Ma maman s’occupe toujours bien de moi quand je suis malade.
- oui je veux bien que tu me montres, peut-être que je pourrai t’aider à la soigner si elle est malade.

Et Chick emboîta le pas à Mélanie qui prit un pas plus rapide pour avancer en direction de la jungle. Et tout en marchant, elle lui raconta que son amie ne parlait pas et qu’elle dormait beaucoup. Ce qui lui laissa craindre le pire. Il n’osait pas encore lui poser la question qui le démangeait depuis qu’il l’avait vue la veille.. A présent qu’il pouvait mieux la voir, il en était presque sûr, cette gamine était dans l’avion avec eux. Et il ignorait encore comment elle s’en était sortie, mais elle s’en était sortie.. le reste, il refusa même d’y songer.

- on arrive presque.. Regarde, c’est là-bas.

Chick leva alors les yeux dans la direction que Mélanie pointait du doigt et il sentit son cœur s’arrêter de battre. Devant lui, noyé en partie par l’épaisse verdure, se trouvait une partie de la queue de l’appareil, il pouvait même voir quelques sièges ci et là.

Alors comme dans un songe, il se laissa guider par la main, par cette gamine jusqu’au cœur de cet enfer. Et derrière deux autres sièges, il la vit, elle était là, la femme qu’il croyait avoir perdue à jamais. Mélanie l’avait soigneusement recouverte avec des couvertures qui appartenaient à la compagnie, mais son visage si pâle contrastait tellement avec le bleu vif des couvertures. Chick laissa échapper un cri étouffé par l’émotion..

- oh mon dieu…. Oh mon dieu.. Salsa….Salsa !!!!

Il franchit les derniers obstacles pour se précipiter vers elle, tremblant de découvrir ce qu’il avait craint dès le départ. Elle ne bougeait pas, ses yeux étaient fermés et elle semblait avoir subi un violent choc sur la face gauche de son visage. Mais elle respirait.. oui ! Il sentait son cœur battre, doucement dans sa poitrine. Alors Chick pleura, pleura tout en remerciant le ciel, ainsi que Mélanie et pleura encore en murmurant des promesses à cette femme qu’il serra tout conte son cœur, sous le regard intrigué de la petite fille.

40. " Ambiance "

Elle était inconsciente, ses yeux fermés et sa respiration très lente, mais elle respirait oui et à cet instant Chick songea que les miracles existaient vraiment. Il la serra tout contre lui, oubliant toute précaution, emporté par l’émotion de la retrouver alors que ces derniers jours, il pensait ne jamais plus la revoir et elle était là, dans ses bras, vivante.

Il lui fallut bien une dizaine de minute pour envisager la suite, tant il était bouleversé de l’avoir retrouvée. D’une main tremblante il sécha ses larmes et caressa délicatement la joue de Salsa, effleurant à peine les eraflures qui allaient du cou jusque vers le front, sur tout le côté gauche du visage, laissant des traces de sang séché sur une peau qui avait viré au bleu.

- elle est très malade ?

Chick réalisa brusquement qu’il avait oublié la présence de la fillette.

- oui, très malade, mais elle va guérir, n’est-ce pas Salsa ? On va te soigner, et tu iras mieux.. tu iras beaucoup mieux.

Il la berçait comme on berce un enfant, bien trop ému pour avoir des idées claires. Il devait la soigner oui mais comment ? Il n’était pas médecin, et ils étaient perdus sur une île. Chick commença à regarder autour de lui, cette vision d’apocalypse.. L’avion avait perdu une partie entière de l’appareil qui s’était écrasé là sur l’île. Et c’était sans doute cette épaisse verdure, et beaucoup beaucoup de chance qui avaient sauvé Salsa et Mélanie..

Son regard tomba alors sur ceux qui n’avaient pas eu la même chance et ferma aussitôt les yeux. C’était trop atroce. Et dire que la fillette était restée là, et s’était occupée de Salsa malgré tout. Mais à présent que Chick l’avait retrouvée, tout allait changer.

- Les secours vont bientôt nous trouver mon ange, et je te ramènerai à la maison.. Mélanie ?

La petite le regarda avec ses grands yeux bleus, si calme, alors qu’autour d’elle ce n’était plus qu’une hécatombe.

- Il faut que j’emmène Salsa où tu m’as vu hier, tu te souviens ?

Elle hocha la tête.

- mais je n’y arriverai pas tout seul..

Il lui fallait l’aide de Jack, mais il ne pouvait se résoudre à laisser Salsa, à présent qu’il l’avait retrouvée.

- Il y a Jack.. il est là-bas.. et j’aimerai que tu ailles le chercher. Tu veux bien ? Il faut qu’on s’occupe d’elle, pour qu’elle guérisse tu comprends ?

Mélanie hocha la tête, mais resta là à le regarder, sans bouger. Elle devait être en état de choc et cela était plus que compréhensible quand on voyait à quoi elle avait survécu.

- Il s’appelle Jack et il est grand et ..
- je sais.. je l’ai déjà vu hier. Il criait parce que j’avais pris les fruits.

Chick sourit.

- ah oui, et tu as très bien fait, j’aurais fait la même chose que toi à ta place. Jack aussi, il comprendra. Dis-lui que Chick s’occupe de Salsa, et il viendra.. s’il te plait Mélanie, tu veux bien faire ça pour moi ?
- d’accord..
- merci, tu es une petite fille très courageuse. Je vais vous attendre ici, d’accord ?

Elle hocha la tête et disparu dans la jungle, aussi rapide qu’une gazelle. Chick reposa délicatement Salsa sur les couvertures, et découvrit qu’elle était aussi blessée au bras, mais fut incapable de dire s’il était cassé ou non, et de deviner s’il y’avait d’autres blessures internes. Pourtant il refusa de penser qu’elle ne s’en sortirait pas, non ce n’était pas possible, pas après avoir survécu à cette catastrophe. Oui, il en était sûr, elle survivrait et il ferait tout ce qu’il pourrait pour la sortir de là.

41. Coldplay: Fix you

Jack avait faillit faire une attaque en voyant la gamine. Et quand il avait vu qu’elle avait plus la trouille qu’autre chose, il s’efforça de lui sourire et ce ne fut qu’après quelques phrases rassurantes de sa part que la petite lui annonça en quelques mots sibyllins que Chick avait retrouvé Salsa. Les yeux de Jack s’étaient arrondi de surprise, mais il n’avait pas traîné à vouloir aller voir tout cela de ses propres yeux. Il avait foncé dans la jungle derrière la petite, étonné de son agilité et n’étant pas épargné par quelques branches basses qui lui griffèrent le visage au passage.

Mais quand ils arrivèrent auprès des restes de la carcasse, Jack oublia très vite les griffures brûlantes de ses joues pour rester bouche bée devant le spectacle qu’il découvrait, et au milieu, juste derrière ces sièges, il découvrit Chick qui tenait dans ses bras une belle jeune femme mais qui semblait être dans un triste état. Aussitôt il s’approcha, et contrôla son rythme cardiaque ainsi que les pupilles et d’autres détails qui intriguèrent Chick. Sans attendre les questions qu’il pouvait deviner, Jack commenta brièvement.

- Le choc qu’elle a prit à la tête, l’a mise dans un sal état.. Elle est dans le coma.

Puis croisant le regard de Chick, il ajouta dans une grimace.

- sinon rien de grave à part son bras cassé et quelques ecchymoses.
- mais va-t-elle s’en sortir ?
- ça mon gars, j’en sais strictement rien, j’suis pas médecin.. J’ai juste était secouriste à l’armée. Je ne peux rien faire de plus.
- mais on ne peut pas la laisser comme ça !!
- ben si y’avait un hôpital dans le coin, j’l’y aurais emm’ner, mais c’est pas vraiment le cas. Déjà miraculeux qu’elle soit en vie.

Ce à quoi pour une fois, Chick approuva. Mais il était si impuissant, il ne pouvait se résoudre à ne rien faire.

- Il faut qu’on l’emmène.

Jack regarda autour de lui et soupira.

- ça, tu n’as pas tord.. on va pas traîner là.. et la gamine non plus.. Bon sang, ce n’est pas un spectacle pour elle. Tu crois qu’elle est restée là tout du long ?
- elle s’est occupée de Salsa.
- bon sang.. Il va falloir qu’on les enterre tous.
- il faut d’abord s’occuper d’elle !
- oui oui, t’inquiète, on va prendre soin de ta femme. Laisse-moi faire.

Et Jack souleva la jeune femme aussi facilement qu’une plume. Chick derrière lui ainsi que la gamine, ils le suivirent jusqu’à l’abri confectionné par Jack. Il l’installa sur sa propre couche et envoya Chick chercher de l’eau après avoir ôté sa chemise. Chick ne se le fit pas demander deux fois, il fonça jusqu’au ruisseau, rinça l’étoffe et revint au triple galop, mais il prit la relève pour nettoyer la plaie au visage de Salsa. Elle ne saignait plus, mais la peau avait pris une vilaine teinte bleue, violacée du au choc. Heureusement son œil n’était pas touché. Jack confectionna une attèle et la fixa au bras de la jeune femme, en marmonnant que pour ça, c’était heureux qu’elle fut inconsciente, alors qu’il remettait l’os en place.

Et puis lentement tous trois s’organisèrent autour de ce qui allait devenir leur camp à eux tous. Jack laissant Chick s’occuper de sa Salsa, fit plusieurs voyages jusqu’aux restes de l’appareil, il y passa toute la journée, ne rentrant que tard le soir, après avoir enterré les cinq cadavres qu’il avait sorti des décombres. La petite était restée au camp, après y avoir ramené quelques unes des affaires qu’elle avait déjà récupéré, entre autre quelques couvertures. Elle n’était guère bavarde et regarda ses deux nouveaux amis s’occuper de la dame malade en silence, se tenant légèrement à l’écart. Elle était contente pour le monsieur qui s’appelait Chick, il semblait beaucoup l’aimer, et elle finit par s’endormir après avoir mangé quelques fruits que Jack avait ramenés de la forêt.

Jack et Chick prévirent de récupérer tout ce qu’ils pourraient comme affaire ou tout autre objet de l’appareil qui pourraient leurs être utile ensuite, dès le lendemain, mais en attendant, il fallait dormir un peu. Jack épuisé par tous les efforts physiques qu’il avait fourni, ne tarda pas à ronfler très vite.
Quand à Chick, il veilla encore longtemps auprès de Salsa, avant de s’endormir à ses côtés, un bras glissé par-dessus sa taille…

193.
"The Voice Within"

Cela faisait deux jours qu’ils l’avaient retrouvée, et cinq jours qu’ils se trouvaient sur cette ile, une île que Jack avait fini par appeler, l’île aux miracles, mais Chick avait beau veiller sur elle, la laver, lui parler, l’embrasser, Salsa restait profondément plongée dans son coma. Pourtant il refusait de croire qu’il serait irréversible, pas après ce que tous les deux avaient connu. Il avait foi dans sa volonté de se battre et de continuer à vivre, et Chick faisait tout pour le lui faire savoir…

Mais ce que Chick ignorait, c’est que l’inconscience était devenu pour Salsa, le refuge rassurant contre un monde trop agressif qui avait failli l’arracher à la vie. Un monde à part, où tout devenait doux, réconfortant, et si agréable, où il n’y avait plus ni tristesse, ni douleur. Salsa tout en marchant au cœur de cette vallée recouverte d’un douillet tapis d’herbe, souriait, sereine, apaisée. Une brise chaude caressait son visage et enrobait son corps en faisant voler la jolie robe qu’elle portait. L’herbe sous ses pieds nus était la sensation la plus agréable qu’elle connaisse. C’est donc d’un pas léger que Salsa poursuivit sa promenade en direction du soleil qu’elle voyait se coucher lentement derrière la colline.

Autour d’elle, elle percevait le son du vent dans les feuilles des arbres, le chant des oiseaux, agréable et charmante mélodie, mais ne cessait d’avancer en direction de ce coucher de soleil. Elle voulait le voir depuis là-haut, depuis le sommet de la colline. Etrangement, elle n’eut pas d’effort à fournir pour y parvenir et quand elle découvrit le magnifique spectacle, elle se sentie emplie de joie. C’était si beau, si paisible. Mais alors qu’elle s’apprêtait a redescendre l’autre versant, lui parvint une étrange mélodie, un air qu’elle connaissait et quelque chose qui incontestablement attira son attention. Elle regarda en arrière mais ne vit rien, juste ce son qu’elle percevait, une chanson, un refrain qu’elle murmura du bout des lèvres, mais elle n’arrivait pas à se souvenir des paroles.

Alors Salsa se tourna à nouveau en direction du soleil, son regard attiré comme un aimant. Elle sourit à nouveau, captivée par le spectacle mais d’autres paroles lui parvinrent, encore cette mélodie qui la retenait..

« La vie est un voyage
Qui peut t'emmener n'importe où, où tu as choisi d'aller
Aussi longtemps que tu apprendras
Tu trouveras tout ce dont tu as besoin de savoir

Tu le feras
Tu le feras
Ne t'abandonnes pas
Personne ne peut t'arrêter
Tu sais que je suis en train de te parler

Jeune fille ne pleure pas
Je serai juste là quand ton monde commencera à s'éffondrer. »*

Salsa oublia de regarder le coucher de soleil pour se retourner, des larmes brillant dans ses yeux, les paroles avaient réveillé quelque chose enfoui dans son cœur. Elle tourna alors le dos au paysage magnifique pour revenir vers cette voix qui lui était familière. Mais le chemin ne fut plus aussi simple.. Brusquement le paysage idyllique disparut pour laisser apparaître une vision d’apocalypse. L’avion qui se déchirait, comme un jouet, elle était tombée au milieu des sièges, n’ayant pas le temps de réaliser qu’elle était tombée au dessus d’une petite fille. Et ce bruit terrible, ce sifflement, les moteurs de l’avion qui agonisaient, la mer, une dernière pensée pour l’homme qu’elle aimait et au moment ou en face d’elle, les placards qui enfermaient les couvertures pour les passagers s’ouvrirent brusquement, il y eu le choc final qui la plongea dans un puit noir sans fond.

La jeune femme eut un violent sursaut et ouvrit brusquement les yeux, étouffant dans sa gorge une longue plainte terrorisée. Mais en même temps qu’avait surgit la conscience, la douleur s’était aussi réveillée, mais la douleur physique, le reste , tout ce qu’elle avait été jusque là, était resté là-bas. * là-bas ?*

Salsa fit une grimace en tenant son bras de son autre main, il lui faisait mal, elle se l’était cassé ? mais quand ? La migraine qui lui martelait la tempe, l’empêchait de vraiment comprendre. Lentement, elle se dressa sur son séant, découvrant autour d’elle ce magnifique paysage qui avait laissé Chick indifférent aux premiers jours. C’était très beau et de là où elle était, elle pouvait apercevoir un peu du bleu de la mer. Elle voulut en voir plus et se leva, lentement, se sentant comme un nouveau né, pratiquement sans force. Oui, elle se sentait terriblement faible mais, il lui fallait voir la mer, elle voulait aller sur cette plage de sable blanc et sentir le sable brûlant sous ses pieds.

* extrait traduit des paroles de la chanson de Christina Aguilera: The Voice Within.. Chanson que lui avait chanté Salsa sur la plage des surfeurs..

42. " At the Beach "

Il n’était pas parti depuis bien longtemps et comptait revenir très vite auprès d’elle, n’aimant pas la laisser, si jamais.. Si jamais elle se réveillait. Jack l’avait une fois de plus sermonné, à sa manière bien entendue, et son tact habituel.

- tu vas pas la veiller jour et nuit quand même ?
- et alors ?
- ben.. faudrait que tu bouges un peu, y’a à faire. La nourriture ici tombe pas du ciel tu sais, et depuis qu’il y a la môme à nourrir en plus, on sera pas trop de deux pour chasser.
- chasser ? Chasser quoi ?
- j’ai repéré des empreintes de phacochères pas loin d’ici..

Chick avait renoncé à argumenter, et l’avait accompagné à travers la jungle, se contentant pour sa part de ramener quelques fruits et laissant Jack pister des empreintes des cochons sauvages. Mais au bout d’une heure, Chick renonça à poursuivre et revint vers leur camp.
Quand il vit la couche vide, les couvertures repoussées de côté, son cœur cessa de battre quelques secondes. Chick leva la tête et c’est là qu’il la vit, elle était debout sur le bord de la plage, immobile avec juste quelques mèches de ses cheveux blonds que le vent soulevait. Salsa portait toujours le chemisier de soie qui à présent, était déchiré par endroit, puis la jupe qui avait aussi souffert dans l’accident. Mais elle était là, vivante et réveillée !

Chick fit quelques pas hésitants, ayant peur de rompre l’illusion mais non, il ne rêvait pas. Mélanie qui s’était éloignée elle aussi, revenait vers la plage et observait Salsa, puis Chick qui soudain se mit à courir, tout en s’exclamant.

- Salsa ?? j’étais sûr que tu allais te réveiller ! Je le savais ! Salsa ! Enfin..

Chick venait de la rejoindre et la serra dans ses bras, posant son visage dans son cou, son cœur battant maintenant comme un fou dans sa poitrine, et cette joie incroyable qui lui donnait envie de la soulever et de la faire danser. Mais étrangement Salsa restait silencieuse, et sans réaction dans ses bras. Il finit par s’écarter, retrouvant ce regard sombre pailleté d’or qu’il aimait tant, mais l’expression de son visage restait aussi distante que son corps.

- Viens, assieds toi, tu dois être encore bien faible. Tu aurais du rester là-bas. J’ai eu si peur..Salsa.. j’ai cru que…
- Salsa..

Et tandis qu’il la faisait assoir dans le sable à l’ombre d’un palmier, il l’entendit prononcer son propre prénom. Chick fronça les sourcils, inquiété par son étrange comportement, puis retrouva très vite le sourire, un sourire qui se voulait rassurant.

- oui Salsa.. on s’en est sorti, on est vivant.

Elle le regarda avec cette expression d’incompréhension sur son doux visage.

- l’avion, l’accident.. Toi et moi, Salsa ! On y a réchappé, et Mélanie aussi, et puis Jack ! C’est incroyable, c’est miraculeux ! mais on est là tous les deux, et c’est tout ce qui compte .
- je ne m’en souviens plus..
- oui c’est normal, on a tous était très secoués et..
- je ne me souviens plus de rien…

Chick perdit son sourire, plus aussi sûr de lui.

- mais si.. rappelles-toi, nous devions aller en Australie, nous avons pris l’avion et..
- l’Australie ?
- oui, tu voulais faire des photos…
- Non..non !

Salsa secoua la tête et posa son front contre sa main, sur ses genoux relevés..

- ça va aller, Salsa, je vais m’occuper de toi. Tout ira bien.

Chick voulut la prendre dans ses bras, mais elle eut un geste de recul.

- Laissez-moi !

Ce fut comme si elle venait de lui assener une gifle.

- mais Salsa, c’est moi, Chick !

Elle le dévisagea, l’air toujours aussi désemparée et secoua la tête à nouveau.

- je ne vous connais pas… laissez moi s’il vous plait !

194. Mozart: Requiem, Hostias

Que pouvait-il y avoir de plus étrange comme situation que de se retrouver en face d’un être qui connaissait son nom, ce nom qui lui était encore étranger cinq minutes plus tôt et qui lui semblait encore ne pas lui appartenir ? Cet homme qui semblait la connaître alors qu’elle-même ne le reconnaissait pas ? Et tandis que devant elle, s’offrait le plus doux des paysages, Salsa puisque tel était son prénom, ne se souvenait plus de rien, et ressentait le plus grand des désarrois.

Ce qu’elle faisait là, elle n’en avait aucune idée, ce qu’il lui racontait, tout cela lui était étranger, ce qui s’était passé avant ? C’était juste le néant total. Rien, il ne restait plus rien du passé, le passé était devenu tel cet homme qui la dévisageait avec un air si peiné, un étranger. Que faire ou que lui dire pour expliquer quelque chose qu’elle-même ne savait pas expliquer ? Il était plus simple d’éviter les questions, des questions qui de toute façon resteraient sans réponse, des questions qui dérangeraient assurément. Son cerveau était devenu comme une machine vide de sens où les rouages fonctionnaient inutilement..

- Je crois que tu devrais venir t’assoir.

Salsa dévisagea celui qui disait s’appeler Chick, regarda dans la direction qu’il lui montrait et ne trouva pas d’argument pour refuser sa proposition. Elle le suivit, retirant sa main alors qu’il avait voulu la prendre et s’assit comme un automate sur la couverture d’un bleu si vif. Sa tête la faisait souffrir et inconsciemment elle porta une main à la blessure qui marquait son visage.

- tu as mal ?

Salsa regarda Chick qui s’était assis à côté d’elle et qui tendait sa main pour écarter des mèches de ses cheveux. Encore une fois, elle eut un geste de recul.

- désolé..

Il avait laissé retomber sa main et la regardait toujours de cette manière si triste. Salsa fit une grimace, elle ignorait pourquoi, mais elle ne voulait pas lui faire de la peine.

- ça fait mal oui.. mais ce n’est pas grave.

Elle s’efforça de lui sourire pour se faire pardonner, mais il y avait tant de choses qui étaient floues dans sa tête.

- Tiens voilà qu’elle est réveillée !! Alors comment se porte la belle aux bois dormants ?

Salsa sursauta et se retourna vivement pour dévisager l’homme qui arrivait vers eux. Chick se leva tout aussi vite et partit à la rencontre de l’inconnu. Salsa les observa discuter à voix basse, sans entendre de quoi ils parlaient, mais de son côté, elle était bien trop préoccupée par le vide qui régnait dans son esprit. Et cet homme, était-elle aussi sensée le connaître ? Pourtant son visage ne lui disait rien pas plus que pour le dénommé Chick.. Mais pourquoi ne se rappelait-elle de rien ? Ce sentiment de vide était terriblement frustrant, elle avait beau fouiller dans ses pensées, faire appel à sa mémoire, il n’en ressortait rien, strictement rien mis à part ce qu’on venait de lui apprendre.. son prénom.

- C’est moi qui me suis occupée de toi quand tu dormais..

Salsa n’avait pas vu la petite fille approcher et pendant quelques instants, elle resta là sans réagir, dévisageant l’enfant en se posant la même question que pour l’homme qui parlait avec Chick. Et elle, la connaissait-elle ? Salsa ressentit à nouveau une immense vague de frustration qui lui mit les larmes aux yeux. Et pourtant elle réussit à offrir un triste sourire à cette enfant qui lui expliquait encore, après s’être assise à ses côtés et avoir enroulé ses bras autour de ses genoux.

- tu as dormi longtemps, et lui il s’est beaucoup inquiété pour toi.

Salsa croisa le regard de Chick et demanda tout à coup :

- j’ai dormi combien de temps ?
- oh je ne sais pas.. plusieurs jours.

Salsa dévisagea la petite fille, stupéfaite. Elle passa à nouveau sa main sur son visage et sentit les éraflures. Que c’était-il passé ? Elle avait peur de poser la question, devinant que la réponse ne lui plairait pas et encore une fois, elle préféra éviter le sujet.

43. Josh Groban: Hymne à l'amour

Chick regardait cette femme pour qui il était devenu un étranger. Elle ne se souvenait plus de rien mais pire, se méfiait de lui. La douleur que ressentait Chick en ce moment, était presque physique. Elle l’avait rejeté, elle l’avait oublié. Tout ce qui s’était passé entre eux, n’existait plus.. Comment une telle chose était-elle possible ? Ainsi ce rêve qu’on lui avait accordé avait pris fin ? Il n’aurait jamais espéré décrocher une étoile, mais voilà qu’elle était à nouveau insaisissable et cette idée lui fut soudain insupportable, brisant ses espoirs et son cœur. Le rêve était terminé.

C’est d’une voix brisée qu’il expliqua à Jack que celle qui avait été pour si peu de temps sa compagne avait tout oublié de son passé. Celui-ci réalisa combien cela semblait toucher le jeune homme et le prit un peu à l’écart.

- Ecoute moi mon p’tit gars, si tu tiens à elle, ne baisse pas les bras ! Je ne suis pas médecin, mais les amnésies ne sont pas toujours définitives et dans la plupart des cas, sont souvent due à un choc, et bon sang, celui qu’elle a subi était des plus violents ! Et elle en a réchappé, c’est tout ce que tu dois te dire ! Elle est là, elle est vivante ! Alors perds pas espoir et aide la à la retrouver, cette putain de mémoire ! Elle a de la chance, tu la connais bien, tu sauras lui redonner ses souvenirs. Et peut-être que demain ou après demain.. paf ! Sa mémoire reviendra..

Chick regarda Jack et soupira. Il avait raison, il ne devait pas perdre espoir, passé le choc de découvrir qu’elle avait perdu la mémoire, il reprenait peu à peu confiance.
Chick se tourna pour la regarder alors qu’elle écoutait ce que lui racontait Mélanie. Elle était si belle, il l’aimait comme un fou.. Lui qui n’était rien, elle lui avait accordé sa confiance et son amour. Il avait eu la chance de connaître un bonheur incroyable à ses côtés et alors qu’il croyait l’avoir perdue à jamais, le destin la lui avait rendue. Alors si elle avait tout oublié, oui, il l’aiderait à se souvenir, il lui rappellerait tous les bons moments qu’ils avaient connus, lui parlerait de ses films. Quoiqu’il arrive, il serait toujours là pour elle, et même si aujourd’hui elle avait oublié combien ils s’étaient aimés, il espérait redonner vie à ses sentiments.

Car le plus important était qu’ils étaient encore ensembles et miraculeusement en vie, alors si le destin les avait épargnés, il saurait bien redonner une seconde chance à leur amour. Chick inspira profondément, et retourna auprès de sa belle, car là serait toujours sa place.

- Alors Mélanie, vous faites connaissance ?
- oui, je lui expliquais que je m’étais occupée d’elle quand elle dormait.
- oui et tu t’en es très bien occupée..

Chick sourit à Mélanie, pour regarda à nouveau Salsa qui elle affichait toujours cette expression perdue.

- Salsa ?

Elle le dévisagea, et ce regard bouleversa Chick. Il s’était montré égoïste, ne réalisant pas combien cela devait être difficile à gérer pour elle. Il voulut dans un élan spontané lui prendre la main, mais retint son geste. Il ne fallait pas la brusquer. Elle était devenue tel un animal égaré qu’il devait ré apprivoiser.

- ne t’inquiète pas.. Je t’aiderai à te souvenir. Je te connais bien tu sais, nous arriverons tous les deux à combler ce vide dans ta mémoire. Tu peux me faire confiance..

Et quand il vit les larmes couler sur ses joues, son cœur se serra et il eut bien du mal à ne pas la prendre dans ses bras. Il aurait voulu lui dire les mots tendres, les mots réconfortants, mais pour commencer, il devait lui laisser un peu de temps, et lui apprendre à lui refaire confiance. Ca ne serait pas facile, mais il l’aimait suffisamment pour y croire pour deux et patienter le temps qu’il faudrait.

195. Josh Groban: Mi mancherai

Cela faisait quatorze jours qu’ils étaient là, quatorze jours qu’ils survivaient en mangeant des fruits, un peu de la chasse rapportée par Jack et finalement grâce à tout ce qui avait été récupéré de la carcasse, ils avaient à présent un camp pas trop inconfortable. La mer avait rejeté pas mal de débris et parfois même des valises sur la plage de leur île, et Jack n’avait pas hésité à y fouiller pour y récupérer tout ce qui pourrait leur servir. Chick lui avait apporté quelques vêtements propres pour remplacer ceux qu’elle portait, et qui avaient beaucoup souffert pendant l’accident.

Mais malgré toutes ses attentions et toute sa gentillesse, malgré les jours qui s’écoulaient et se ressemblaient l’un et l’autre, Salsa n’avait toujours pas retrouvé la mémoire, ni aucun de ses souvenirs. A chaque fois qu’ils en parlaient, à chaque fois que Chick lui racontait sa vie d’avant, cela finissait toujours par la même phrase : non, Salsa ne se souvenait de rien.

Il lui avait raconté ce qui s’était passé le jour de la catastrophe, qu’elle s’était levée pour aller aux toilettes et que tout de suite après, l’avion avait commencé à piquer du nez. Qu’ils s’étaient retrouvés séparés et qu’il avait cru qu’elle était morte. Ainsi elle avait aussi appris qu’il était son petit ami, et que Mélanie et Jack étaient juste des rescapés comme tous les deux.

Salsa enregistrait chacune des paroles qu’il lui disait, et à chaque souvenir qu’il évoquait, elle se concentrait désespérément pour tâcher de se rappeler de quelque chose, mais tout ce qu’elle y gagnait, c’était des maux de têtes. Pourtant Chick continuait de se montrer d’une patience d’ange avec elle, malgré toutes les fois où elle s’était emportée, tellement frustrée par le vide de sa mémoire. Il avait toujours un mot gentil ou encourageant, il lui insufflait l’espoir quand elle n’avait plus envie de rien, il lui souriait quand elle était triste, et il lui offrait une multitude de petits présents si simples mais si touchants. Et elle s’en voulait d’autant plus de ne pas réussir à se souvenir du moindre détail, quelque chose qui aurait brisé cette gêne entre eux, cette gêne qu’elle ressentait et qu’elle voyait bien, lui faisait de la peine.

Ainsi ce soir là alors qu’elle s’était assise dans le sable, face au vaste océan, quand Chick vint la rejoindre, elle décida d’aborder un sujet qu’il avait évoqué sans entrer dans les détails.

- tu m’as dit que nous étions ensembles avant l’accident.
- oui, c’est ça.
- mais tu ne m’as pas dit comment on s’était connu.. J’aimerai que tu me racontes.
- euh, oui.. en fait moi.. je te connais depuis très longtemps..
- ha ?
- quand je t’ai dit que tu étais une actrice mondialement connue, je ne plaisantais pas..
- pourtant Jack lui ne me connait pas..
- hmm… je me demande même si ce gars a mis un jour les pieds au cinéma…

Salsa rit doucement et attendit qu’il poursuive.

- j’ai suivi ta carrière dès ses débuts, je lisais tout ce qu’on pouvait dire à ton sujet, tous les articles, j’ai vu tous tes films.. J’étais un de tes fans.

Salsa se redressa légèrement pour le dévisager, amusée et surprise.

- un fan ?
- oui, tellement que Phil et Ted n’ont pas voulu me croire quand je leur ai annoncé que je travaillais pour toi… Je les bassinais depuis si longtemps avec toi qu’ils ont cru que j’affabulais.

Il tourna un instant la tête vers elle, attendant une réaction, et Salsa devina que ces deux noms étaient sensés évoquer quelque chose pour elle. Son sourire retomba et Chick poursuivit son récit, impassible.

- En fait j’étais présent sur le plateau le jour ou Danny … ton agent, est venu parler au réalisateur pour lequel je travaillais. Il lui a évoqué l’idée de trouver un assistant pour aider sa protégée qui n’était autre que toi. Alors moi, comme un fou, je me suis lancé dans cette histoire.. Je me suis présenté chez toi pour devenir ton assistant. Et la suite ne s’est pas passée aussi bien que je l’avais espéré…

Et Chick lui expliqua comment Jo l’avait retrouvé dans les jardins, puisque les gardiens à l’entrée ne l’avaient pas laissé passé et qu’il l’avait quasiment soulevé de terre pour l’amener devant Salsa.

- et puis tu as dit oui..
- hmm mon assistant.
- oui..
- et ensuite ?
- ensuite ?
- oui, comment est-ce que toi et moi .. euh, notre relation..
- oh… il y a eu une pause dans le tournage de ton film..
- cette histoire de vampire..
- oui.. Donc j’en ai profité pour partir avec ma caravane. Je devais aller passer le week end avec des amis sur la plage des surfeurs.. alors là tu m’as appelé pour avoir des nouvelles ..
- hm.. et ?
- et je t’ai dit que j’étais parti avec Christine..
- Christine ?

Quelque chose.. oui ce nom avait évoqué quelque chose, mais c’était si flou..

- oui, j’ai appelé ma caravane ainsi, et quand je t’ai parlé d’elle, toi tu as cru que j’étais avec une amie.. et tu es venue me rejoindre. Tu m’as dit que tu t’ennuyais ce jour là et que tu n’avais rien prévu, mais ensuite tu m’as avoué pourquoi.. Tu n’avais pas apprécié le fait que j’étais parti avec une autre fille.

Il la dévisageait à présent avec un air amusé.

- tu veux dire que j’ai été jalouse d’une caravane.

Il rit franchement cette fois et fit mine de protester sous le coup qu’elle venait de lui donner gentiment dans l’épaule..

- Oh mais j’étais très heureux de savoir que tu étais jalouse, ça voulait dire que.. que tu tenais un peu à moi, même si je ne l’ai su qu’ensuite..
- hm.. ainsi on a passé plusieurs jours ensembles..
- oui, c’était merveilleux. Tu avais tellement aimé ce tour qu’on avait fait en parachute au dessus de Heaven Island. Et puis ensuite, on a tous été à la baie des anges.

Encore une fois, elle vit qu’il attendait une réaction de sa part, mais après un bref silence, il poursuivit son récit.

- Je ne voulais pas que tu fasses ce saut, mais tu as insisté et on l’a fait ensemble. Et quand ensuite on s’est retrouvé dans le bassin en bas, tu étais si fière d’avoir réussi, si heureuse.. Tu étais si belle..

Cette histoire n’évoquait toujours rien à Salsa, sauf que pour une raison qui lui échappait, elle sentit son cœur s’emballer. Peut-être était-ce du à cette façon qu’il avait de la regarder, ou ce geste qu’il fit, pour écarter une mèche de ses cheveux. Alors elle devina ce qui était arrivé ce jour là, et sut qu’il allait l’embrasser.…

Et au lieu de reculer comme elle l'avait fait auparavant devant tous les gestes tendres qu'il avait tentés, Salsa apprécia ce baiser et s’y abandonna l’espace des quelques brèves secondes qu’il dura.

- désolé.. je n’aurais pas du.

Chick s’était écarté et avait détourné la tête.

- non, ne le sois pas. Moi je ne regrette pas.. et.. je suis heureuse que tu te sois présenté chez moi ce jour là.

Elle lui sourit, puis se leva pour rejoindre le camp, non sans lui avoir pris doucement la main.

44.

Il le savait, même si elle n’avait pas encore retrouvé la mémoire, Salsa n’avait pas oublié les sentiments qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Tout était là, enfoui dans son cœur, et ne demandait qu’à ressurgir, alors peut-être qu’ensuite, les souvenirs reviendraient aussi. Il l’avait compris au baiser qu’ils avaient échangé, un baiser auquel elle avait répondu et qui avait rempli Chick de bonheur. Voilà qui l’avait récompensé de toute la patience dont il avait fait preuve avec elle pendant ces derniers jours.

Tout en y songeant, Chick se dirigeait d’un bon pas en direction du haut de la falaise, là où quelques jours après avoir retrouvé Salsa, il avait installé le premier appel à l’aide, à la vue de tous, une couverture de ce fameux bleu vif sur laquelle, il avait tracé à l’aide d’un bout de bois calciné les quelques lettres du mot « Help ».

De l’aide, des secours, c’est ce qu’ils avaient espérés depuis le premier jour échoués sur cette plage. Mais ils n’avaient vu aucun avion survoler l’île, à part parfois un vol de ligne très haut dans le ciel. Et personne ne semblait plus les chercher. Jack lui avait dit de se faire une raison. Vu l’état des débris qui s’échouaient sur la plage parfois, vu l’ampleur de l’accident auquel ils avaient eu la chance d’y survivre, tout le monde devait songer qu’ils étaient mort. Et les corps disparus, jamais ne seraient retrouvés, soit emportés par les courants ou les requins. Mais Chick ne pouvait se résigner, il se disait qu’un jour ou l’autre quelqu’un finirait par passer par là, et verrait les appels à l’aide.

Seulement quand il arriva sur le sommet de la falaise, essoufflé, il eut la mauvaise surprise de constater que la couverture avait disparu, elle n’était plus accrochée dans les branches de cet arbre mort. Chick fronça les sourcils et s’approcha, pour constater que les fils électriques qu’il avait utilisés pour fixer la couverture, étaient toujours en place. Il avait l’avait pourtant fermement attaché, il en était sûr, le vent à cette hauteur, pouvait souffler assez fort. Dépité, il se décida à retourner sur la plage proche des débris de l’épave, là où il avait laissé un second appel à l’aide. Chick avait passé des heures à amener de lourdes pierres d’un gris sombre sur la plage de sable blanc, et à les aligner de manière à écrire toujours ce même appel à l’aide.

Mais cette fois, le vent ne pouvait pas être mis en cause, dans le fait que toutes les pierres avaient été dispersées. Chick eut soudain des envies de meurtre, il ne pouvait y’avoir qu’une personne responsable de ça. Ils n’étaient que quatre sur l’île, lui, Salsa, Jack et Mélanie. Salsa avec son bras cassé, Mélanie était bien trop petite pour soulever de telles pierres, il ne restait donc plus que Jack. Et plus il y réfléchissait, plus Chick se disait que les conversations qu’ils avaient tenu à ce sujet, accusaient cet homme. Dès le départ, il lui avait dit de laisser tomber ses appels à l’aide que de toute façon personne ne les retrouverait. Qu’ils avaient dérivé bien trop loin, etc, etc.. Depuis le départ, Jack sur cette île semblait comme un poisson dans l’eau. Il ne s’était pas seulement résigné, non, il était heureux d’être là, et avait même débuté la construction d’une cabane, plus loin dans la jungle.

Déterminé à obtenir des explications, Chick fonça en direction de leur camp. Il était furieux, en colère contre cet homme dont l’insouciance risquait de les condamner à demeurer sur cette île. Mais quelque chose lui disait que ces actes délibérés pour ne pas être aidés, cachaient autre chose que de l’insouciance.

196.

- Attend je vais t’aider..

Mélanie se pencha en avant pour attacher le dernier bouton de la chemise qu’essayait difficilement d’enfiler Salsa depuis un moment. Elle accepta donc volontiers l’aide de la fillette, qui fut plus rapide qu’elle avec son bras en écharpe. Salsa avait voulu faire un peu de toilette auprès du ruisseau qui coulait non loin et avait eu moins de problème à retirer le vêtement qu’à le remettre. Elle avait proposé à Mélanie de l’accompagner, ce que la petite fille avait accepté avec joie. Elle semblait apprécier sa compagnie et Salsa aussi s’attachait à cette petite gamine adorable mais parfois si silencieuse. Des silences que Salsa appréciait mais qui de la part d’un enfant de cet âge était plutôt anormal.. Et à force d’attention, Mélanie avait fini par lui livrer son secret.

Ses parents s’étaient aussi trouvés à bord de l’avion, et pendant un instant, Salsa avait craint qu’ils n’aient fait partie des corps que Jack avait enterrés non loin de l’épave, dans la jungle. Le traumatisme était déjà suffisamment grave sans que la petite n’ait eu à rester aux côtés des cadavres de ses parents. Et puis d’avoir une aussi charmante confidente qui n’attendait pas de Salsa qu’elle se rappela son passé, aidait à lui changer les idées. Ainsi Salsa prenait plaisir à lui parler, à prendre soin d’elle, lui offrir des petites attentions, tout comme Chick le faisait avec elle. Peut-être que de voir que quelqu’un d’autre était plus fragile encore qu’elle, l’aidait à ne pas se morfondre sur une mémoire qui ne revenait toujours pas.

Une fois la chemise reboutonnée, Salsa adressa un regard rusé à la petite fille et brusquement l’éclaboussa avec l’eau du ruisseau. Mélanie surprise, rit de la farce de son amie et lui rendit la pareille. C’était la première fois que Salsa la voyait rire aussi spontanément, et cela lui fit chaud au cœur. C’était encore un de ces moments que Salsa appréciait particulièrement, et elle savait qu’elle garderait précieusement ce son joyeux dans le tiroir abimé de sa mémoire.

Elles jouèrent ainsi avec enthousiasme jusqu’à ce que le chemisier de Salsa fut complètement trempé. Du coup elle rit de plus belle.

- Et moi qui me suis presque déboité l’épaule à vouloir la retirer, tout ça pour rien..

Soudain son rire se figea dans le temps, ces paroles, ces mots elle les avait déjà dits ou entendus.. Un souvenir tentait de refaire surface, il était là, tout près.. Un bras en écharpe.. de la peine à se rhabiller.. « attend, je vais t’aider ».. Il avait été blessé ..c’était de sa faute..

- Salsa ?

Mais Salsa était brusquement déconnectée de la réalité, un visage avait refait surface, un visage qu’elle ne parvenait pas à reconnaitre et pourtant il faisait partie de ses souvenirs.

- Salsa ??

Quelqu’un tirait avec insistance sur sa manche. Salsa perdit les images, et baissa les yeux vers Mélanie qui la regardait avec inquiétude. Salsa était si pâle.. Elle passa une main dans les cheveux de la fillette.

- ça va.. rassure toi.. Tout va bien. Bon et si on allait voir ce que font les garçons ?

Sa mémoire venait d’avoir un sursaut, mais pour l’instant, Salsa refusait encore de se faire trop d’illusion. Mélanie hocha la tête en silence, pas très rassurée et suivit Salsa en glissant sa main dans la sienne. Mais tandis qu’elles approchaient du camp, elles entendirent des éclats de voix. Chick et Jack se disputaient. Ce fut au tour de Salsa de s’inquiéter et elle se dépêcha de parcourir les derniers mètres qui les séparaient encore d’eux.

- A quoi tu joues hein ? Je sais que c’est toi ! Alors dis-moi pourquoi, DIS-MOI !!!
- Chick ! Qu’est-ce qui se passe ?

Les deux hommes réalisèrent alors qu’ils n’étaient plus seuls et s’écartèrent alors que Chick était prêt à empoigner Jack malgré leur différence de taille. Et la colère qu’elle vit dans son regard, la désarçonna. Lui qui s’était toujours montré si doux. C’était la première fois qu’elle le voyait dans un état pareil. Et elle eut l’étrange sentiment que c’était bel et bien la première fois qu’elle le voyait ainsi.

45. Craig Armstrong: Underground

La colère de Chick retomba d’un cran sans disparaître pour autant. Il ne comprenait pas l’attitude de cet homme qui dès le début s’était montré très évasif à chaque fois que Chick abordait la question des secours, et de ce qui se passait ailleurs. Le temps des explications était venu, et la présence de Salsa soudain renforça ce besoin de connaître la vérité.

- Vas-y Jack, dis-le lui.. Dis lui ce que tu as fait ! Après tout, elles sont autant concernées que toi et moi, elles aussi ont le droit de savoir.
- mais savoir quoi ?
- Bonne question! Figure toi que dès le début, j’avais placé des appels à l’aide à divers endroits de l’île, des signaux de détresse, si jamais un avion, ou un hélicoptère survolait la région. Mais aujourd’hui quand j’ai été vérifié, il n’y avait plus rien. Quelqu’un avait déplacé les pierres sur la plage, et je t’assure qu’avec la peine que j’ai eu à les placer là, elles sont bien trop lourdes pour avoir été déplacées par autre chose qu’à la force de bras. Etant donné ton bras en écharpe Salsa, et Mélanie, je doute qu’elle ait réussi à soulever des pierres si lourdes, le coupable est tout désigné.. Alors Jack, ces explications ?

Tous trois le regardèrent en silence, attendant des aveux de la part de cet homme qui s’était pourtant montré sympathique, un peu bourru, et d’une aide précieuse pour survivre sur l’île, mais qui à présent semblait cacher les plus sombres secrets. Jack soupira et jeta au sol, le tas de branche qu’il avait ramassé pour le feu.

- Je doute que la vérité vous plaise, mais puisque tu insistes Chick..

Jack les regarda tour à tour, et poursuivit :

- C’est simple, je ne désire pas retourner chez moi, ni ou que ce soit ailleurs. On est pas bien là ? Pas de soucis, pas de factures, pas de dette, l’île nous fournit de quoi boire et manger ! Le temps est des plus agréables, paysage de rêve. Tu as ta femme, y’a la petite. Vous voulez quoi de plus ??
- mais tu es complètement inconscient ou tu le fais exprès ? Salsa est restée plusieurs jours dans le coma et des secours lui auraient vraiment été nécessaires.
- oui mais elle s’en est sortie, c’est ce qui compte non ?

Chick le dévisagea, estomaqué par l’aplomb de cet homme qu’il réalisait soudain, ne pas connaître du tout.

- dis- moi qu’il y a autre chose. Dis-moi que ce n’est pas juste par caprice d’un homme voulant fuir la société que tu nous as ôté toute chance de voir des secours nous venir en aide.

Jack qui se montrait de plus en plus nerveux et marchait de long en large, ricanna et s’approcha soudain de Chick, se massant la nuque comme si brusquement il souffrait d’une violente migraine.

- t’es un malin toi hein ? J’ai cru au début que tu serais juste un pleurnichard qu’il me faudrait materner comme un bébé. Mais heureusement, tu l’as retrouvée ta chérie. Alors écoutez-moi bien tous les trois. Personne ne quittera cette île, c’est moi qui commande à présent. Et vous aurez meilleur temps à faire ce que je dis, ou je pourrais bien me fâcher. Et quand Jack se fâche, c’est pas beau à voir. La dernière fois, c’est ce qui m’a coûté quelques années en taule.
- Alors c’est ça ? t’es un prisonnier en fuite ?
- Prisonnier ? non.. pas quand l’avion s’est crashé.. J’avais eu droit à une remise de peine.. mais vous savez comment c’est.. Quand on naît dans le mauvais camp, on y reste, difficile de s’en sortir. Alors j’ai pas fait long pour replonger à peine on m’avait libéré, seulement ça a très mal tourné pour moi. Il fallait que je dégage d’Heaven Island. Me suis fait faire de faux-papiers, acheté un billet pour l’Australie et à moi la belle vie. Marrant ça ! Je rêvais de m’installer au bord de l’océan et de passer mes après-midi à pêcher ou à faire la sieste à l’ombre d’un palmier.. Mon rêve s’est réalisé ! Remarquez, je rêvais aussi de belles filles en bikini qui me serviraient de délicieux cocktails. Enfin on peut pas tout avoir.

Jack adressa alors un clin d’œil à Salsa qui glissa un bras protecteur sur les épaules de Mélanie. Jamais Chick n’aurait pu imaginer un scénario pareil. Il savait à présent qu’ils étaient en danger tous les trois auprès d’un homme comme Jack.

- je comprends mieux à présent.. si on nous aurait retrouvé, ça aurait signifié la prison pour toi.
- braavo ! t’as tout compris..
- et tu penses sincèrement qu’on va pouvoir vivre ici, tous les quatre, éternellement ? Sans que personne n’approche l’île un jour ou l’autre ?
- On verra bien, mais sache une chose mon p’tit Chick.. Jamais je ne retournerai en taule !

Et Jack s’éloigna vers son abri pour récupérer un poignard qu’il avait trouvé parmi les affaires. Ostensiblement, il en vérifia le coupant avec un sourire cruel, et s’éloigna dans la jungle en clamant.

- j’vais voir si je sais nous attraper quelque chose pour dîner.. restez sage les enfants ! Jack n’est jamais très loin !

197. Michael Giacchino: Credit, where credit is due

A l’aide d’une pierre blanche, Salsa marqua la roche de la falaise d’une coche supplémentaire. Ses bras retombèrent contre ses flancs et elle s’éloigna d’un pas pour faire le compte des jours qui s’étaient écoulés depuis ce terrible accident. Cela faisait exactement un mois, deux semaines et trois jours qu’ils se trouvaient là, coincés sur cette île, avec la certitude depuis qu’ils avaient découvert la vérité sur Jack, de ne jamais voir arriver de secours.

Alors que pendant les premières semaines, l’espoir restait présent pour chacun de retrouver son foyer, une ville connue, des amis, cet espoir était à présent anéanti et la tension entre eux augmentait de jour en jour. Tous étaient sur leur garde, se méfiant l’un de l’autre, Jack d’eux et eux de Jack. Le seul point positif à cette histoire, était que les liens s’étaient resserrés entre Salsa et Chick, mais elle lui taisait encore des souvenirs qui s’étaient peu à peu réveillés, trop flous encore pour être interprétés. Ce n’était pas le moment de lui donner de faux espoirs, lui qui était toujours si inquiet et prévenant pour elle.

Ainsi les journées sur l’île, s’écoulaient très lentement, rythmées par les tâches quotidiennes, simples moments destinés à survivre ensemble malgré tout. Mais au vu des disputes qui éclataient de plus en plus souvent entre Chick et Jack, Salsa devinait qu’il était impossible qu’ils puissent continuer de vivre sur cette île, en toute tranquillité. Non, la peur avait semé les graines de l’incertitude et des doutes en eux, et empoisonnaient peu à peu leurs existences. Il fut bientôt évident qu’il n’était plus question d’île paradisiaque pour personne et Jack leur en voulait de gâcher ce plaisir qu’il s’était égoïstement octroyé.

Salsa s’interrogea une fois de plus, comment tout cela allait se terminer, aucunement résignée à l’instar de Chick à demeurer sur cette île, surtout depuis qu’ils avaient découvert le secret de Jack. Et c’est à ce moment que Mélanie surgit comme à son habitude, tel un petit diable de sa boîte à ses côtés, le souffle court d’avoir couru, et les yeux brillants d’excitation :

- Salsa… il .. il y a. la plage.. vite !
- quoi ? attends, reprends ton souffle et explique-moi calmement.

Salsa se pencha et pris les mains de Mélanie dans les siennes. La petite inspira profondément et poursuivit ses explications un peu moins hachées qu’à son arrivée.

- il y a … un bateau..
- un bateau ??? Mélanie, tu en es sûre ??
- oui, un bateau avec des voiles… là-bas, sur la plage…

Salsa se redressa aussitôt.

- Jack est au courant ?
- non.. il .. il est parti là-bas..

Mélanie lui désigna un point dans la jungle.

- et Chick ? Où est Chick ?
- il est avec Jack.

Salsa soupira de désespoir puis brusquement se mit à courir en direction de la plage.

- viens !

Et Mélanie se précipita à ses côtés. Elles atteignirent ensemble la plage et effectivement Salsa aperçut aussitôt un voilier, pas très grand qui baignait dans la baie à plusieurs miles d’eux. Les passagers les verraient-ils si Salsa se mettait à agiter les bras ? Le mieux serait de les appeler, mais elle ne voulait pas alerter Jack.. Comment réagirait ce dernier en découvrant le voilier ? Elle devait pourtant trouver le moyen d’appeler à l’aide, sans pour autant alerter Jack.. Et Chick ?

- Oh mon dieu, qu’est-ce qu’on va faire ?
- Hey regarde !

Mélanie pointait le doigt vers le bateau et Salsa vit ce que la gamine avait remarqué avant elle. Les passagers du voilier approchaient de la plage à bord d’un canot pneumatique à moteur.. *Un moteur ! mon dieu non !!*

Les larmes aux yeux, elle essaya de leur faire des signes, en murmurant entre ses lèvres :

- pourvu qu’il ne les entende pas, pourvu qu’il ne les entende pas..
- tu crois qu’il va leur faire du mal ?

Salsa bouleversée par les paroles de Mélanie la regarda, en essayant de lui sourire, mais cela tenait plus de la grimace. Elle était désespérée.

- Non, on ne le laissera pas leur faire de mal..
- Tieens, on a de la visite on dirait !

La voix de Jack dans son dos, lui glaça le sang et peu après Chick se précipitait pour constater comme Salsa qu’un canot approchait de plus en plus…
Et alors que cette arrivée aurait du être synonyme de joie parmi les rescapés, elle ne fit qu’augmenter la crainte de voir des jours encore plus sombres se lever sur l’île aux miracles.

46.

Chick arriva juste après Jack sur la plage. Depuis qu’il leur avait révélé toute la vérité, du moins ce qu’il avait bien voulu le leur dire, Chick préférait ne pas le laisser seul trop longtemps, mieux valait avoir cet homme à l’œil. Et la première chose qu’il vit en arrivant sur la plage, ce fut les voiles d’un bateau mouillant dans la baie à seulement quelques centaines de mètres.

Son visage afficha alors, l’expression la plus stupéfaite qui soit. Incapable de prononcer un mot, il observa le canot qui s’approchait de plus en plus, pour enfin croiser le regard angoissé de Salsa. Alors en lui sonna une colère sourde, car dans ces yeux, il aurait du y voir de la joie, du soulagement, ce qui était loin d’être le cas. Il se promit que cela changerait bientôt et grâce au couple qu’ils pouvaient à présent apercevoir à bord du canot.

- vous trois, tenez vous tranquille et laissez-moi m’occuper de ces deux là.

Encore une fois il croisa le regard anxieux de Salsa qui secoua la tête en silence, ses mains sur les épaules de Mélanie. Il comprit alors ce qu’elle imaginait que Jack pourrait tenter contre ces inconnus qui représentaient leur unique espoir de quitter l’île. Et tandis que Jack, tout sourire, s’avançait dans l’eau pour aider le couple à accoster, Chick s’approcha pour caresser la tête blonde de la fillette, puis laissa sa main s’attarder sur la main de Salsa, comme pour lui insuffler un nouvel espoir.

- alors là, j’ai eu du mal à le croire avec mon ami, quand on a vu les voiles de votre bateau ! Je lui ai dit.. Regarde, Chick, on a de la visite. Et je me suis empressé de venir vous accueillir. C’est plutôt rare de la visite dans le coin, pas vrai Chick ?
- plutôt oui.

Chick était si tendu qu’il souffla ces quelques mots la mâchoire serrée à s’en faire mal.

- Oh mais quel endroit maaagnifique ! Russel, regarde-moi çaa… Bonjour vous tous ! Ça pour une surprise, nous ne nous attendions pas à rencontrer quelqu’un.
- nous non plus…

Russel les observa un instant, pendant que sa femme continuait de s’extasier.

- Charlène, ne crois-tu pas que nous pourrions nous présenter à ces gens ? Permettez que je le fasse. Je suis Russel Johnson, et voici mon épouse Charlène. Nous sommes en voyage depuis un mois et quand Charlène a vu cette petite île, elle a absolument tenu à la visiter.
- oui touut à fait ! et je ne regrette pas d’être venue.. Mais dites-moi, nous n’avons pas vu d’autre navire accosté, vous habitez l’île ?
- Charlène ! la gronda Russel, un homme qui même s’il paraissait un peu guindé, n’était pas stupide pour autant.

Chick avait vu les regards qu’il leur jetait à lui et aux autres. Avec leurs vêtements en mauvais état, les barbes de plusieurs jours, car le rasage ici était un luxe, ils ne devaient pas vraiment passer pour de simples voyageurs. Ce fut Jack qui s’empressa de leur répondre et bien entendu la réponse fut loin de la vérité.

- en fait, c’est la providence qui vous envoie ! Je m’appelle Jack Finigan, voici mes amis Chick et Salsa, et voici leur fille, Mélanie.

Mélanie leva la tête pour interroger Salsa du regard, mais elle ne dit mot. Jack après leur avoir jeté un regard en coin, poursuivit son récit.

- Nous voyagions comme vous à bord de notre voilier quand nous avons été surpris par des pirates.
- des pirates ?? ici ??
- oh vous savez, on est nulle part en sécurité. Ces gens nous ont débarqué sur cette île et volé notre navire. Depuis, et bien on essaie de survivre comme on peut. Donc c’est vous dire combien on est heureux de vous voir !
- Juste ciel !! Et ça fait combien de temps que vous êtes ici ?
- hé bien ça va faire un bon mois et demi à présent !
- oh les pauvres. Vous devez être affamés !!
- non non, ne soyez pas inquiète madame, l’île avait largement de quoi subvenir à nos besoins.
- oh mais ils vous ont frappé ??

Charlène s’était approchée de Salsa et regardait son ecchymose au visage pas encore totalement disparue ainsi que son bras en écharpe.

- non.. non c’est rien..
- les pirates sont des gens dangereux ma petite dame !

Salsa croisa le regard d’avertissement de Jack et baissa les yeux. Mais Charlène continuait de la dévisager.

- votre visage m’est familier… je vous connais, je suis sûre de vous avoir déjà vue quelque part.

Chick vit Salsa pâlir et guetta la réaction de Jack qui encore une fois intervint.

- Charlène, que diriez-vous si je vous faisais visiter notre petit camp où nous nous sommes installé ? C’est clair que ce n’est pas le Paris Hilton, mais ce n’est pas trop inconfortable.

Charlène rit de la plaisanterie, et bien sûr fut ravie de l’invitation, après tout, ce n’était pas tout les jours qu’elle croisait des robinsons crusoés abandonnés par des pirates. Elle en oublia Salsa, mais Russel fut moins prompt à suivre son épouse, il regarda Chick, puis Salsa et Mélanie, mains croisées dans son dos et allait leur poser une question quand Jack se retourna vers lui.

- monsieur Johnson, vous ne venez pas ?

Russel jeta un dernier regard au couple et à leur fillette puis s’engagea à la suite de Jack. Quand à Chick il se demanda combien de temps Jack saurait leur faire avaler tous ces mensonges.

198.

Elle avait eu raison d’insister, cet endroit était paradisiaque, mais il ne s’était pas attendu à y rencontrer des personnes, surtout du genre qu’il était en train d’observer en ce moment. Ces gens n’avaient pas été simplement abandonnés sur une plage, il y avait autre chose, les blessures peut-être ? Non, les pirates n’avaient pas été tendres, peut-être que ce Jack avait essayé de se rebeller ? Non c’était autre chose, peut-être ces regards que le couple s’échangeait, c’était comme s’ils avaient peur, mais de quoi ? Russel décida de rester attentif…

Jack était tout heureux de présenter ses installations aux Johnsons, comme s’ils avaient été des amis de passage. Et pendant qu’il leur faisait faire le tour du propriétaire, Salsa essayait de parler avec Chick, à voix basse en veillant bien à ce que Jack ne les regarde pas.

- Il faut faire quelque chose.
- jamais il ne les laissera repartir..
- oh seigneur !

Ils s’interrompirent un instant, alors que Jack se tournait dans leur direction, puis dès qu’il se détourna d’eux, Chick posa sa main sur le bras de Salsa.

- ne t’inquiète pas, on ne le laissera pas faire. Salsa, ce bateau, c’est notre billet de retour.
- mais Chick, comment ? Jack va sans doute y penser aussi, et comment prévenir ces gens qu’ils courent un danger ?
- il vaudrait peut-être mieux qu’ils n’en sachent rien.
- Chick !
- chuttt.. il regarde par ici.


Tout était fichu à présent, ses beaux rêves tombaient à l’eau. Il n’avait bien sûr pas prévu que des touristes à la retraite, débarquent sur sa plage. Non, il y avait encore moyen de tirer son épingle du jeu, seulement il n’était pas seul, il y avait les autres, Chick, Salsa et Mélanie. Il était certes un ex taulard en cavale, mais pas un assassin, cependant ces derniers temps sur l’île, il s’était montré bien plus à cran qu’il ne l’avait jamais été. Et qui savait à quelles extrémités il pourrait être poussé à faire pour protéger sa liberté.

Il devait trouver un moyen, retenir les vieux encore un moment, le temps de trouver une idée…


- Oh chéri, je viens d’avoir une idée formidable !
- oui ?
- Nous pourrions retourner à bord et je leur mitonnerai un véritable repas de fête ! Songez que vous allez bientôt pouvoir retourner chez vous. Vous avez quelqu’un je suppose qui doit attendre impatiemment de vos nouvelles, je parie, non ?

Charlène regardait la jeune femme qui détourna brusquement les yeux.

- désolée, je ne voulais pas vous causer de peine.
- non .. ça ira.

Mais Russel vit bien que non et quelque chose lui disait que sa peine, ou le désarroi qu’il pouvait lire sur son visage n’était en rien du aux paroles de son épouse. Il devinait nettement une tension entre les trois adultes. Quand à la petite fille, il la trouvait bien silencieuse. Alors il trouva qu’un repas à bord était une bonne idée.

- Tu as raison Charlène, invitons nos nouveaux amis à prendre le repas à bord.
- Et si Charlène nous préparait ce fameux repas et que nous le prenions ensuite tous ensembles ici ? Ne souhaitez-vous pas profiter un peu de ce si beau cadre ?

Russel dévisagea le dénommé Jack. Le détail qui le titillait depuis tout à l’heure, était là, juste à quelques doigts, ce n’était pas naturel, il y avait quelque chose qui clochait et tout à coup il comprit. Des gens qui s’étaient retrouvés débarqués de force, avec le minimum pour survivre, ayant subi des agressions physiques de la part des pirates, auraient du montrer un peu plus d’empressement à renter chez eux. Pourtant ce Jack ne semblait pas ravi à l’idée de quitter l’endroit. Au contraire, il avait montré un entrain exagéré pour toutes ces choses qu’il avait fabriquées pour faciliter leur survie sur l’île. Sa méfiance réveillée, Russel répondit avec ce flegme typiquement britannique.

- oui pourquoi pas ? Nous pourrions pic-niquer.
- oh oui, charmante idée ! J’adorerai.
- je vous accompagnerai à bord, j’adore m’occuper de la tambouille.

Russel vit en fronçant les sourcils que la proposition de Jack ne faisait visiblement pas l’unanimité parmi leur groupe. Cette fois il avait nettement vu l’angoisse dans le regard de la jeune femme.


C’était un véritable cauchemar. Le cœur de Salsa s’emballait, alors que Charlène lui parlait de sa famille, elle voyait le regard de Jack sur elle, un regard qui traduisait toute la menace qui pesait sur ses épaules, comme avant.. l’angoisse, tout recommençait. Il allait encore la harceler pendant des jours et des nuits. Salsa pâlit sous cette vague d’images et de pensées aussi inattendues qu’angoissantes, des images qu’elle savait appartenir à son passé. Pourquoi maintenant ?

Toute cette tention accumulée ces derniers jours, c’en était trop, et l’arrivée du couple Johnson n’avait fait qu’accélérer le retour à la surface de vieilles émotions, comme la peur, l’angoisse qu’elle avait déjà connu.

.....

47. Vangelis: B.o.F les révoltés du Bounty

Voilà, ils étaient tous là à se regarder, attendant que l’autre fasse le geste qui déclencherait le début des hostilités. Pourtant il fallait à tout prix qu’ils se sortent de cette situation, il fallait à tout prix qu’ils montent dans ce bateau. Chick ne pouvait envisager de les laisser repartir sans avoir tenté sa chance, et là il se demanda s’il aurait vraiment l’occasion d’agir. Il voyait les regards méfiants de Russel et tout avait failli basculer quand Charlène les avait invités à prendre leur repas sur le voilier. Mais Jack avait trouvé le moyen de garder la situation en main et à présent, il continuait de sourire comme si tout allait bien.

Mais rien n’allait, Jack était plus que jamais sur ses gardes, et tout sur cette île rappelait qu’ils étaient des naufragés et qu’à un moment ou à un autre, il serait question de quitter l’île aux miracles. Ce qui était à l’opposé des projets de Jack.
Chick prit son mal en patience, et se concentra pour trouver le moyen pour pouvoir se rendre à bord. Ils s’étaient assis sur les troncs d’arbre autour du foyer qu’ils utilisaient pour faire cuire leur repas, et encore une fois, Jack n’était pas avare de ses anecdotes sur ses parties de chasse, et sur la façon dont ils s’étaient alimentés, pendant toutes ces semaines.

Encore une fois, le regard de Chick alla de Jack à Charlène, à Salsa puis à Russel. Il croisa alors son regard interrogateur, puis regarda à nouveau en direction de Jack et encore en direction du navire.

* * * * * *

Cette fois, il en était sûr, il y avait un problème entre ces jeunes gens et ce Jack. Salsa était devenue soudain très pâle et ne disait plus mot quand au dénommé Chick, son regard ne cessait d’aller et venir du voilier à Jack, et vice-versa. Les seuls à discuter tranquillement, étaient son épouse et ce Jack qui lui aussi de temps en temps jetait des coups d’œil suspects au couple. Tous paraissaient sur le qui vive, comme s’ils attendaient quelque chose, mais Russel ne comprenait pas de quoi il s’agissait.

Quand à Charlène, sa chère épouse, comme à son habitude, tellement occupée à discuter et à écouter les histoires de ce Jack, elle ne remarquait rien d’anormal. Et il ne put rien faire pour attirer son attention. Et puis que lui aurait-il dit de toute manière ? Mais ce qu’il y avait d’étonnant avec Charlène, c’est qu’elle savait toujours provoquer les choses sans même deviner ce qu’elle avait fait. Ainsi elle se leva en proposant avec entrain.

- Bien ! Il est temps de retourner au bateau, il va me falloir un peu de temps pour vous préparer un bon petit repas.
- Soit, je vous accompagne, Charlène, et vous me donnerez votre fameuse recette de poissons en papillote.

Russel se leva à son tour et proposa tranquillement en observant les expressions des visages autour de lui.

- Et si nous laissions les femmes s’occuper du repas, n’est-il pas messieurs ? Jack, j’ai cru comprendre que c’était vous qui vous vous étiez occupé des repas, la plupart du temps. Laissez donc faire mon épouse et avec l’aide de Salsa, sans-doute réussiront-elles des merveilles. Surtout vu l’équipement moderne que nous possédons à bord. Ajouta-t-il avec une fausse jovialité.
- oh Salsa, je peux aussi voir le bateau ?

Russell vit la jeune femme regarder aussitôt en direction de Jack, alors il se pencha vers la petite, et lui sourit.

- Bien sûr ma petite que tu peux aussi aller sur le bateau, enfin si ta maman est d'accord... tu aimerais visiter les cabines ?
- oh oui !

C’était la première fois qu’il la voyait si animée depuis qu’ils étaient arrivés, mais aussi la première fois qu’il voyait Jack avec une expression aussi dure, sans parler de celles du jeune couple.

* * * * * * *

Jack n’était pas un imbécile et malgré ses parades, il s’était douté dès le départ qu’à un moment la situation allait déraper, et c’était ce qui était en train de se produire. Tout lui échappait, chacun des trois autres avait oublié qui ici, fixait les règles, et les deux vieux n’allaient pas tarder à l’apprendre. Jack secoua la tête en se relevant à son tour, et mains sur ses hanches, il parla sur un ton étrangement calme, froid, monocorde.

- Personne ne va aller sur le bateau.
- Voyons Jack, cette petite adorerait le visiter et..
- j’ai dit… personne ne quittera cette île !
- m’enfin, Russel, dis quelque chose !

La vieille commençait peut-être à comprendre que tout n’était pas si paradisiaque que ça sur cette île. Ce n’était qu’une pauvre gourde sans cervelle, et ce ne serait pas elle qui allait faire échouer ses plans.

- Russel il va rester bien sage lui aussi…

Jack adressa un sourire ironique à Russel qui semblait comprendre un peu plus vite que son épouse. Puis il regarda les deux autres, sans se préoccuper de la gamine.

- Je vous l’avais dit, il est hors de question de partir d’ici.

199, Vangelis bis

Le danger planait sur eux, comme un oiseau de mauvaise augure, et son ombre voilait le regard de chacun d’eux. La peur était omniprésente et serrait le cœur de Salsa dans un étau d’acier qui lui donnait l’impression qu’elle ne saurait plus trouver assez d’air pour respirer. Cette fois, les pions avançaient sur l’échiquier, menant inexorablement à l’échec l’une ou l’autre des parties en présence. Qui gagnerait ? et qui était dans quel camp ? Jack semblait mener la partie, pour combien de temps encore ?

Figée par l’angoisse, Salsa regardait tour à tour Chick, Russel et Jack, ses mains toujours sur les épaules de la fillette.

- Jack, c’est fini, tu ne nous empêcheras pas cette fois de partir.
- ha oui ? tu crois ça ?

Le sourire de Jack fit froid dans le dos de Salsa et son sang se glaça dans ses veines alors qu’il sortait son poignard de sa ceinture pour en deux pas venir saisir Charlène par derrière, son bras étroitement serré autour de son cou.

- Jack non ! Ne lui faites pas de mal !

Charlène avait hurlé, terrorisée. Salsa poussa Mélanie derrière son dos, son regard fixé sur l’éclat de cette lame sous le cou de Charlène et brusquement d’autres souvenirs remontèrent à la surface. Images fugaces comme elles l’avaient toujours été, images tenaces qui avaient hanté tant de ses nuits, dans d’horribles cauchemars qui avaient failli avoir raison d’elle.

Alors tout lui revint, l’éclat de ce couteau, cet homme qui l’avait agressée, visage dissimulé sous une cagoule noire, qui l’avait laissée presque morte dans la rue, la laissant perdre tout son sang. Mais elle avait été sauvée. La police avait dit qu’il s’agissait d’un acte de fan mentalement perturbé, et elle avait du vivre avec cette idée, de le savoir toujours en liberté. La police n’avait pas réussi à mettre la main sur lui.. Et puis Johnny.. Johnny avec qui elle avait coupé tous les ponts suite à ce jour où elle l’avait surpris dans ce lit avec cette femme, Johnny qui ensuite avait reparu dans sa vie.. Elle avait cru qu’elle avait retrouvé un amour perdu, un amour qui avait été si fort… Johnny…. Elle avait vu cet homme lui enfoncer une seringue dans le cou… Elle avait hurlé, mais il était trop tard..

Puis elle s’était retrouvée prisonnière de ce fou, de ce monstre, de ce tueur qui avait déjà assassiné à plusieurs reprises, et elle avait fini par découvrir son visage dans l’horreur de cette salle blanche immaculée, étendue sur cet autel qu’il avait élevé pour elle, elle qu’il disait tant aimer.. mais Julian n’était amoureux que des apparences, de lui-même et de l’image qu’elle lui offrait.. Julian, il était responsable de tout, il avait hanté toutes ses nuits, et il avait bien failli par delà sa mort, gâcher définitivement sa vie.. car ensuite, il y avait eu l’hôpital psychiatrique, pour tenter de se relever..

Salsa s’en était sortie, et enfin, il y avait eu..Chick…

A ce moment, Salsa le regarda, et ne put contenir les larmes qui roulaient sur ses joues. Sa mémoire était brutalement réveillée et en quelques instants, elle se souvint de tout, de leur histoire surtout… et puis l’accident..

- Je ne lui ferai aucun mal si vous faites exactement ce que je dis.. On va aller sur le bateau Charlène et moi… Vous avez une radio à bord n’est-ce pas ?

Russel hocha vivement la tête, il était aussi pâle que Salsa. Comme elle le comprenait, elle avait déjà ressenti cette angoisse, quand on croyait que tout était perdu, quand on voyait la mort se pencher pour vous priver de ce que vous avez de plus précieux au monde..

- alors je vais devoir bricoler un peu, je ne voudrais pas que vous puissiez donner l’alerte. Venez Charlène…

Jack poussa la femme devant lui, et passa devant Chick. C’est alors que tout se précipita, ce dernier avait saisit discrètement une poignée de sable qu’il jeta à la figure de Jack qui hurla et de surprise, lâcha Charlène, pour se ruer aveuglément en avant, sur Chick.
A son tour, Salsa poussa un cri déchirant voyant Chick tomber sous l’assaut de Jack. Une fois déjà elle avait laissé faire sans réagir, une fois déjà on avait failli lui voler sa vie, sans qu’elle n’ait rien pu faire. Elle ne recommencerait pas deux fois la même erreur. Salsa saisit un gros rocher à quelques mètres d’elle, et prenant tout son élan, se jeta sur Jack pour lui assener le caillou sur le crâne.
Il y eu un horrible coup sourd et dans un cri étouffé, Jack s’effondra sur le sol, au dessus de Chick.

Il y eut alors un terrible silence, entrecoupé du souffle saccadé de Salsa. Puis elle hurla le nom de l’homme qu’elle aimait par-dessus tout et tomba à genoux, en poussant de toutes ses forces sur le corps inanimé de Jack qui écrasait celui de Chick.
Ses yeux s’agrandirent alors d’horreur en découvrant le sang qui maculait le teeshirt de Chick, alors ce fut un flot de sanglot, de suppliques, tandis qu’elle n’osait examiner plus en avant la blessure au niveau de l’abdomen.

- Oh Chick non.. non ! S’il te plait, pas toi.. pas toi……oh mon dieu, Chick..

Seul une plainte s’échappa de la bouche de Chick dont la tête avait violemment heurté le sol lors de la chute.

- Salsa, laissez-moi voir ça…
- s’il vous plait, non, non, pas lui.. Chick !!!!!
- Salsa !!!! écartez-vous, et laissez moi voir..

De force, Russel écarta la jeune femme qui retomba en arrière, son corps secoué de sanglots, regard fixant toujours la tache ensanglantée, puis ses mains qui en étaient à présent souillées.
Elle mourrait sans lui.. Elle aurait échangé tous ses souvenirs en échange de sa vie sauve.. A quoi bon avoir retrouvé la mémoire s’il ne serait plus là…. Horrible pensée qui tournait en vrille dans son esprit trop secoué par ce qu’elle venait de vivre et qui ne suivait plus aucune logique.

Russel souleva le teeshirt et marmonna quelques mots dans sa barbe. La blessure n’était pas trop profonde, la lame avait glissé sur le côté, mais il lui faudrait des soins. Il déchira une partie de sa chemise pour en faire un pansement rapide et demanda à Charlène de le maintenir appuyé sur la plaie, afin de l’empêcher de saigner. Puis il se redressa pour saisir Salsa par les épaules.

- Il faut partir, tout de suite… Il y a bel et bien une radio à bord, et il nous faut appeler très vite du secours pour Chick. Salsa, vous m’entendez ?? Il faut qu’on s’occupe de lui !

Salsa leva son visage défait vers Russel, et le regarda un instant sans comprendre avant de tourner la tête vers Chick..

- Venez ! Mélanie, allez tous dans le canot..

Russel se tourna alors vers Jack qui n’avait pas bougé sur le sol, il saignait à la tête, là ou Salsa avait frappé avec l’énorme caillou. Puis il se pencha au dessus de Chick qui semblait reprendre ses esprits et s’agitait au dessous de Charlène.

- Chick ? Il va falloir vous lever, je vais vous aider à avancer jusqu’au canot avec Charlène.. Chérie, ça va ?
- oui oui, dépêchons nous de retourner au bateau.
- Salsa, vite!!

Soudain Salsa vit que Chick reprenait vie, malgré sa blessure et elle comprit qu’il n’était pas mort.. comme son esprit avait voulu le lui faire croire. Non, il souffrait oui, mais il était bel et bien vivant.. Elle se redressa aussitôt pour venir porter secours au couple, suivant de près Mélanie. Elle aida du mieux qu’elle put à installer Chick dans le canot, et aida ensuite Russel à le pousser à la mer, tandis que Mélanie avait pris place, avec Charlène. Puis tous se retrouvèrent à bord, et sans plus attendre, Russel fit démarrer le moteur du petit canot.

48. James Horner: Dawn to dusk

Il n’avait pas su esquiver son attaque. Jack s’était jeté sur lui, poignard en avant et dans sa chute, Chick s’était à moitié assommé. Pendant un instant, il ne vit que le noir des ténèbres, puis il reprit assez rapidement connaissance, même si tout restait encore flou, les voix, les sons, les images. Sauf la douleur qui elle se réveillait lentement, surpassant le choc.

- Chick ? Il va falloir vous lever, je vais vous aider à avancer jusqu’au canot avec Charlène.

Russel, oui c’était Russel qui lui parlait et c’était Charlène qui était penchée au dessus de lui. Il entendit Salsa qui pleurait pas très loin, et il aurait voulu lui dire qu’elle ne devait pas pleurer. Il se sentait misérable dans sa tentative d’arrêter Jack, car il n’avait pas réussi à l’arrêter, il n’avait pas réussi à les sauver tous… Jack ? Il ne l’entendait plus, par contre il comprit parfaitement les paroles de Russel qui sollicitait son aide. Ils devaient aller au canot, rejoindre le bateau.. Mais alors ? Ils partaient ? Une vague d’espoir et de soulagement l’envahirent, lui donnant la force de se redresser, malgré la douleur de plus en plus cuisante qui irradiait dans ses côtes.

- Salsa ?
- Chick ! Je suis là, ne t’inquiète plus.. On s’en va !

Il laissa échapper une plainte de douleur alors qu’on le hissait à bord du canot, mais le son de son moteur compensa toute sa peine, et puis, il vit Salsa s’installer à ses côtés dans le fond du canot, et le serrer fort contre elle.. Elle murmurait à son oreille des paroles apaisantes, des mots d’amour, et sa main qui doucement caressait son front.. Il s’était sans doute évanoui.. ça n’avait plus d’importance..


- Il va mourir ?
- non, bien sûr que non, ma petite. Ton ami va s’en sortir.
- Salsa ne pleure pas.. la dame a dit qu’il n’allait pas mourir.
- je sais, ma chérie.. Je ne devrais pas, j’ai eu si peur.

Russel qui tenait la barre du moteur, jeta un regard attendri à la jeune femme et à Mélanie qui venait à son tour de la prendre dans ses bras. Ils formaient vraiment une jolie famille, et dire que ce fou avait failli tout détruire. Plus tard, il aimerait savoir ce qui s’était réellement passé, mais pour l’instant, il ne pensait plus qu’à regagner au plus vite le Meredith, son cher voilier.

- Oh mon dieu !

Il se raidit aussitôt au cri de son épouse qui regardait en direction de la plage..

- il… il a disparu..

Russel se tourna pour regarder vers la plage, et son regard eut beau parcourir le paysage dans tous les sens, il ne vit aucune trace du dénommé Jack. Il accéléra un peu plus. Ils étaient presque arrivés, il ne restait plus que quelques mètres..

- Charlène, dès que nous sommes à bord, tu m’aides à mettre les voiles, lever l’ancre et à partir le plus rapidement d’ici…
- d’accord… et Chick ?
- il est plus urgent de nous éloigner d’ici et ensuite nous appellerons les secours.


- Chick ? Il va encore falloir mettre du vôtre…

Il sentait qu’on essayait de le tirer de sa torpeur, mais il ne reconnaissait pas la voix.

- mon amour, réveille-toi, je t’en prie ! Il faut qu’on monte à bord..
- à bord ?

Ah oui, le voilier… leur ticket de sortie, pour fuir cet enfer..

- Oui Chick, le navire des Johnsons, ils nous emmènent, on rentre chez nous, mais il faut que tu nous aides..
- rentrer oui..

Et dans un ultime effort, Chick ouvrit les yeux, se sentant soulever du fond du canot, et grimpa tant bien que mal à l’échelle du voilier, soutenu d’un côté par Russel qui l’encourageait, le souffle court.

- on y est ! un dernier effort ! oui !

Et Chick s’étala sur le pont en bois lisse du superbe voilier dont il vit au dessus de lui, le mât se balancer au gré des vagues.

- on y est arrivé, Salsa…on y est arrivé…

Puis à nouveau saisit de faiblesse, Chick s’enfonça dans les limbes de l’inconscience.

200! Ambiance ^^

Salsa resta auprès de Chick, le temps que Charlène et Russel appareillent l’élégant voilier. Elle retenait son souffle, craignant encore que cette chance qui se profilait, soudain ne leur échappe. Ils rentraient, ils retournaient chez eux, Russel appellerait les secours, et Chick serait sauvé. Elle se pencha au dessus de son visage, caressant sa joue avec une tendresse infinie, ses cheveux allant effleurer le visage de Chick.

- on va s’occuper de toi, les secours vont venir, et nous retournerons à Heaven Island .. à Lorena Hills, on reverra nos amis, Danny, Elsie, George, Tom et Jo, ils me manquent, tous.. mais pas autant que toi.. Chick, j’ai besoin de toi, accroche toi….
Je t’aime…

Elle se pencha pour embrasser ses lèvres, doucement, délicatement, laissant ses larmes couler sur son visage et le sien.
- Salsa ?
- je suis là, ne t’inquiète pas, reste tranquille..
- tu…tu te souviens ?

Il lutta un moment pour se redresser, mais Salsa l’en empêcha, maintenant à présent sa tête sur ses genoux. Toujours penchée au dessus de lui, elle lui sourit..

- oui… de tout.. grâce à toi !
- moi mais…
- oui grâce toi, à ta patience, à ta gentillesse… oh Chick, je regrette tellement…

Salsa perdit son sourire et se remit à pleurer de plus belle.

- de quoi ? qu’est-ce qu’il y a ?
- voilà, nous avons levé l’ancre. Nous allons très vite regagner les haut fonds. Il est temps que j’appelle les secours.. ça va aller ?

Salsa leva son visage pour tâcher de sourire à Russel et répondit d’un petit hochement de tête en s’essuyant ses joues…

- on va s’occuper de lui, Salsa, tout va bien se passer.. Vous êtes sortis d’affaire à présent..
- ma pauvre, on dirait que vous avez vécu l’enfer sur cette île avec cet homme, ajouta Charlène qui venait de les rejoindre sur le pont avec Mélanie. Elle avait avec elle une trousse de secours qu’elle ouvrit à la recherche de pansements ou tout ce qui pourrait être utile à arrêter le saignement qui avait repris depuis qu’ils avaient hissé Chick à bord.

- oui.. ce voyage fut finalement un voyage à destination de l’enfer…

Salsa regarda Charlène soulever le teeshirt de Chick pour vérifier la blessure. Elle ne fit aucun commentaire et Salsa évita de lui poser des questions. Elle craignait bien trop d’entendre une mauvaise nouvelle. Après avoir posé un nouveau pansement, Charlène s’assit sur ses talons, et observa Salsa en silence.

- vous partiez en vacances ?
- en quelque sorte.. j’avais envie de prendre un nouveau départ avec Chick, commencer une nouvelle vie. C’est moi qui l’ai entraîné dans cet enfer. Tout ça, c’est de ma faute..
- vous ne pouviez pas savoir que des pirates allaient vous voler votre bateau.

Salsa cligna des yeux un instant sans comprendre…
- un bateau ? oh.. oh non, ça c’est Jack qui a tout inventé. Il n’y a jamais eu de bateau, ni de pirate. Mon dieu… quand j’y repense, tous ces gens…

Salsa lentement prenait conscience de choses qui jusque là lui avaient un peu échappé, vu la précipitation des évènements..

- tous ces gens ?
- l’avion..l’accident…

Et soudain le visage de Charlène s’éclaira.

- mais je sais à présent ou je vous ai déjà vue !!! c’était aux infos, quand ils ont parlé de ce crash, de cet avion qui s’était crashé en plein océan.. de la star qui… c’était vous !!! Salsa Inferno !
- oui.. c’était moi..
- et ce jeune homme.. mais et cette petite et ce Jack ?
- des miraculés comme moi et Chick… étrange comme on peut échapper à une catastrophe et frôler la mort à cause de la folie d’un homme.. Jack était recherché, il ne voulait pas retourner en Amérique, il fuyait quand l’avion.. quand il y a eu cet accident. Quand à Mélanie, c’est à présent une petite orpheline…

Salsa serra la main de Chick dans la sienne et regarda la fillette qui s’était accrochée au mat et observait la mer face à eux, cette superbe étendue turquoise, le chemin vers la liberté, le retour à la vie.