Dans un futur proche

Still Loving You - Scorpions


Lucrezia était dans les bras de Snivi. Allongés dans l'herbe, dans le parc qui entourait le palais du gouverneur, ils profitaient du beau temps. Elle faisait des projets. Depuis qu'elle connaissait la date de conception, on lui avait enlevé une enclume du coeur. Elle allait fonder une famille avec l'homme de sa vie. Ils avaient mis des années à être réunis mais aujourd'hui, elle ferait tout pour préserver leur amour.

Elle s'amusait avec une marguerite, l'effeuillant doucement. Elle obtint un il m'aime beaucoup » et fit la moue. Elle ne se contenterait jamais d'un « beaucoup ». ce serait pour la vie, à la folie, éternellement. Voilà ce qu'elle voulait entendre.

Je t'aime.

Snivi souleva sa tête.

Moi aussi.

Il ôta une mèche de sa joue.

Tellement.

Il posa une main sur son ventre maintenant bien rebondi.

Bientôt on aura une immense famille.
Six enfants c'est énormément de travail. Ça et l'île... et les Affaires. Ça fait beaucoup !
Trop ?

Elle prit un temps de réflexion. Et elle concéda.

Sans doute.
Les citoyens de l'île ne t'en voudront pas de lever le pied. Crée une équipe plus large. Compétente. Et tu seras tranquille.
Je veux plus Snivi. Je veux être en paix. Je ne veux pas finir comme Juliana. À pleurer l'homme que j'aime. À craindre pour non pas un fils mais six enfants. Je n'en ai pas la force.
Si tu l'as.
Mais je ne tiens pas à l'éprouver.
Que comptes tu faire ?
Pour le moment ? Rêver...
Raconte moi...
Je nous vois ensemble... avec plein d'enfants.
Six ?
Non... une douzaine... On est bien parti tu ne trouves pas ?

Il se mit à rire.

Oui tu as raison. Ensuite ?
On aurait une grande et belle maison. On vivrait cachés. Loin de tous. En Sicile. Plus que nous et nos enfants.
Et les affaires ?
Un jour on arrêtera tout. On lèguera ça à une personne de confiance... Daniele ou Corentina. Ou alors on les casera ensemble. Et nos enfants seront à l'abri.
L'argent ?
J'ai déjà tout prévu. De faux noms. De faux papiers. Plusieurs gros comptes. Avant de disparaître on fera des donations. Tout cet argent sale servira à la bonne cause. On ne gardera qu'une quinzaine de millions. On vivra très bien avec ça. Tu me suivras ce jour là ?

Il la regarda droit dans les yeux.

Jusqu'au bout du monde. Je te l'ai déjà prouvé non ?
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Lucrezia entra dans la limousine, nerveuse. Dans un mois elle accoucherait. Et son instinct lui disait que rien ne se passerait comme prévu. Tout capoterait. L'oeuvre de deux années de mandat n'aboutirait pas. Elle pianota comme à son habitude.
Dans une heure, elle serait à l'inauguration très officielle de SON port. SA réussite politique. Et aujourd'hui serait l'apogée de sa carrière politique. Pour assister à son triomphe, tous étaient là.
Snivi, leurs enfants, Daniele, Corentina, Rachel. Elle finit par sourire. Non s mauvaise impression se dissipait. Une main sur son ventre proéminent la fit rire. Elle croisa des regards surpris. Lu rassura tout le monde.

J'ai juste l'impression de continuer à pondre l'équipe Nationale d'Italie.
Elle sera très féminine.
Oui... il n'y a que Marco en homme.

Le petit garçon se redressa très fier d'être appelé un homme.

Je serais leur entraineur.

Les adultes se mirent à rire. Snivi enlaça Lucrezia. Tous les deux avaient la main sur le ventre, à attendre un mouvement de la part de leurs filles.

Au fait vous avez choisi les prénoms ?
On ne dira rien. Ça porte malheur.
Allez !

Un choeur s'était élevé dans la voiture.


D'accord. Messaline et Agrippine. Des prénoms au destin funeste.

Daniele se mit à rire.

Il n'y a que toi pour trouver des prénoms pareils.
Sans doute.

Lucrezia était fière d'elle. Elle fixa sa montre et afficha un air contrarié.

Quoi ?
On va être en retard. Surtout pas aujourd'hui...
ne panique pas... On dira que tu as besoin d'une pause pipi.

Chacun éclata de rire, mais Lu et Snivi semblaient inquiets.

Vous avez bien attaché vos ceintures mes chéris ?

Les petits qui restaient sages firent de grands signes de la tête que oui, chacun jouant avec sa console.

Et vos valises ? On n'a rien oublié c'est bon ?

La gorge de Lucrezia se serra. Ses petits partaient tous après.
La cérémonie se passa comme prévue. Une multitude de célébrités. Des dizaines de journalistes faisant des commentaires dythirambiques.

Cérémonie exceptionnelle, carrière politique magistrale, exemple moral pour tous. Elle était la gloire de l'Amérique. L'avenir du pays était là. Le gouverneur de l'île pourrait prétendre à un poste au Sénat. Lucrezia se sentait étrangement mal de toute cette mascarade. Comment un membre de la mafia pourrait elle être Sénatrice ? Pourquoi avait elle voulu le pouvoir ?
Dès la fin de la cérémonie, elle disparut. Les petits partirent tous dans une autre limousine. Ils allaient à l'aéroport. Isabella les attendait en Sicile. Léonora partait aussi. Lucrezia et Snivi restaient là pour la naissance des jumelles... mais au calme. Sans quatre tornades dans leurs pattes. Et puis la soeur de Lu avait le droit de profiter un peu de ses enfants malgré la décision du juge.
Soudain la limousine stoppa. Au milieu de l'autoroute, un camion citerne barrait le chemin. Un coup de feu retentit.
Machinalement le couple se tapit sur le sol. L'angoisse les gagnait. En relevant la tête, Snivi apperçut des hommes cagolés armés de fusils automatiques.Lu serra la main de Snivi. Lucrezia baissa les yeux alors que les tirs devenaient nourris. Posant sa main sur son ventre, elle sentit ses filles protester. Elle sortit son desert eagle qu'elle embrassa. Elle savait que c'était la dernière fois qu'elle aurait à l'utiliser.
Une larme perlait sur sa joue. Snivi l'essuya.

On doit se défendre. Tu le sais bien... On ne va pas mourir piégés dans cette voiture.
J'ai l'impression de jouer à Bony and Clyde.

Lu tenta un sourire hésitant et vérifia que son arme était chargée. Les deux voitures qui assuraient sa protection avaient aussi stoppées et rispostaient tant bien que mal. On entendait des cris partout dehors. Ils étaient sur l'autoroute, déserte puisque presque toute l'île se trouvait sur le port. Aucun secours n'arriverait de suite. Elle appela quand même Daniele et Corentina.
Snivi entrouvrit la portière et tira un premier coup. Lucrezia lui emboita le pas. Alors qu'ils étaient tous les deux sortis et se défendaient, une roquette atteignit la limousine qui explosa et vola littéralement pour se précipiter sur les récifs en contrebas de l'autoroute qui longeait la côte. Ils étaient à quelques centaines de mètres de là où Julianavait manqué de mourir une fois.
Lucrezia vit un homme s'écrouler à terre. Elle poussa un cri de victoire.

Tu as vu ? Malgré mon état je gère toujours.

Elle voulait positiver. Mais il y avai trop. Trop de joie, trop de confiance. Elle se sentit bousculer par terre. Snivi la recouvrit de son corps et se tendit soudain.

Snivi ?

Il ferma les yeux sous le choc ?

Snivi ?

La panique la gagna. Elle le secoua.

Snivi... réagis ! Bon Dieu !
je... je suis désolé.

Sa voix était si faible. En passant une main sur son épaule gauche, elle sentit quelque chose de poisseux. L'odeur de la mort l'envahit. Inutile de voir ce qu'elle avait touché. Elle ne le savait que trop bien. Du sang.

Elle le bascula sur le sol. Elle pleurait à chaudes larmes.

Non non non non non... S'il te plait.

Daniele s'approchait au loin. Elle tourna la tête vers lui, éplorée.

Snivi attends... voilà les renforts. Tiens le coup...par pitié... m'abandonne pas.

Mais elle ne parvint pas à finir. Une balle la frappa elle aussi. Terrassée par la douleur, elle s'effondra sur l'homme qu'elle aimait.
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Qu'avons nous fait de vous - Le roi soleil


Quelques années plus tard, Isola San Pataleo, Sicile.

Marcooooooooo ! À taaaaaaaaaable !

Un jeune homme grand, ténébreux, un sourire ravageur sur les lèvres revint en courant, sortant de la Méditérannée, tout mouillé. Il tenait par la main une gamine de son âge qui le regardait avec de grands yeux énamourés. Encore une qui craquait complètement. À 25 ans, Marco Biaggi était LE séducteur de la Sicile.
Il s'allongea sur le sable chaud où une jeune femme, sosie parfait de sa tante l'attendait avec une lueur d'amusement. à côté d'elle, une gamine de 18 ans, au regard d'un bleu azur et aux très longs cheveux noirs, véritable déesse latine, se tenait narquoise à contempler la dulcinée.
Chiara et Léonora installaient tranquillement une grande serviette à côté d'une autre déjà installée. Elles soupirèrent, faussement contrariée.

Pourquoi faut il qu'on soit aussi nombreux ?
On est combien à midi ?

Léonora leva les doigts.

Seize.

Marco siffla.

Et bien... ça va être animé.
Tu m'étonnes.
Vivement le dix-septième hein ?

Marco fit un clin d'oeil à sa soeur dont le ventre commençait à s'arrondir.

Où est Kenneth à ce sujet ? Tu ne me l'as pas noyé ?

Son frère se mit à rire.

Non, il joue avec Duncan. Au fait, cette fois, fille ou fils ?
On s'en fiche. Tu sais... on a déjà tout ce qu'on pouvait souhaiter dans la vie. Au fait, j'ai trouvé un boulot à Palerme. Je vais me rapprocher des Parents comme ça.
Tu vas bosser dans quoi ?

Il craignit la réponse mais Chiara se mit à rire.

Non je te rassure... je leur ai fait une promesse. Rien en lien avec la mafia. Je fais un stage pour être greffière. Marre un peu d'être maman à plein temps.
Très bien ça.
Et toi ? Tu fais quoi à la rentrée Léonora ?
Je vais en fac... Après mure réflexion, je pense rentrer dans une branche qui m'aidera à faire de l'humanitaire.
Oui c'est très beau !
Et on lève plein de meufs avec ça !

Ils éclatèrent tous de rire. Marco lui avait choisi médecine... dans ce but là.

Où est Angela ?
Avec les jumelles et les petits.

Ils se regardèrent complices.

Vous croyez qu'ils vont encore adopter ?
Nan... Maman a dit que c'était fini. Maintenant qu'elle est grand mère elle peut pouponner tranquillement. Et puis papa en a marre. Il dit qu'il mérite une retraite paisible.
Bah... ils possèdent cette île.

Au loin, des personnes arrivaient.

Tiens... Daniele et Corentina sont là ?
Oui... tu n'es pas au courant ? Ils se sont enfin mariés. Et Corentina elle aussi est enceinte ! Donc ils ont fait comme papa et maman. Ils se sont mariés en vitesse sur Heaven. Et ils arrivent pour leur lune de miel.
Maman a du être ravie.
En fait elle a menacé Daniele quand elle a appris pour le deuxième bébé... il l'épousait où elle revenait le tuer. Et il l'en a cru capable.

ls éclatèrent de rire.

Et Juliana ?
Visiblement elle se remet de son divorce.
J'ai été la voir en même temps que Greg. Ils vont tous bien. Mais ils me regardent douloureusement de maman et ne m'en parlent jamais... Je m'en veux un peu de leur mentir. Mais bon... maman dit que c'est préférable.
Il a toujours du mal à admettre que la famille de Danny ait obtenu ta garde au "décès" de maman. Il pensait qu'en temps que père adoptif... oui mais génétiquement... bref... "ils" ont gagné.
Il ne s'est jamais douté ?
Pas avec le cercueil de maman non. Oh... Au fait...

Chiara sortit un magazine et lui montra la couverture. On voyait Juliana avec une nouvelle bague de fiançailles.

Elle a fini par s'en remettre alors. Tant mieux. Je me demande parfois...
Quoi ? Si maman ne regrette pas de ne jamais lui avoir avoué que tout était un coup monté ?
Oui...
Chaque jour. Mais là où passe Juliana, il y a des morts. Ils ont renoncé ils y a des années. Maman ne supporterait pas de nous voir prendre des risques.
Oui... enfin je sais pas pourquoi mais je préfèrerais qu'elle ne voit plus jamais un desert eagle.
Elle en a un. Daniele lui a rendu celui qu'elle a dû laisser le jour de la fusillade. Elle a d'ailleurs failli le tuer avec. Elle lui en voulait... elle a vraiment cru que papa allait y rester lors de la fusillade.
Ils vont bien. C'est tout ce qui compte. Après qu'il ait été véritablement blessé... Ce n'était pas la première fois. Et puis c'était la dernière surtout.

Un couple arrivait au loin de la maison. Tendrement enlacés, on voyait leur complicité et leur amour. Ils riaient comme des enfants. Au loin la femme cria quelque chose aux jumelles et aux deux derniers qu'elle avait adopté. S'installant sur le drap entre Léonora et Chiara, elle finit par lancer :

Tout est pour le mieux oui.