[ Un appart pitorresque au centre-ville ]

(2)

Le centre-ville et ses embouteillages, une joie pour tout le monde.
Le taxi met près d'une heure à suivre les indications de Colin qui s'égosille à l'arrière pour que ça avance plus vite.
La 34éme, enfin. Vingt dollars de course pour arriver jusque là, une horreur.
Il paye le chauffeur, quitte le véhicule avec son sac sur l'épaule, le temps de se retourner que le taxi est déjà loin.
Il s'avance jusqu'au perron d'un porche, sort un bout de papier de la poche arrière de son jean et compose le code : 23-19, facile à retenir.
La porte s'ouvre et il arrive dans une cour, il faut qu'il passe par la loge pour récupérer ses clefs.
Il trouve l'endroit et sonne, un vieil homme défraîchi d'une quarante d'années lui fait face, aimable à faire peur.

« Qu'est-ce que vous voulez ?! »

~ T'éclater la tronche du con. ~

« Les clefs de l'appartement 32. Je suis le nouveau locataire. »

Le petit gros se gratte le bide et l'observe de haut en bas, pour cerner le personnage sûrement, sans un mot.

~ Tu veux ma photo ?! ~

Il disparaît dans l'angle de la porte, un tintement métallique monte aux oreilles de Colin, visiblement il cherche les clefs.
Une envie de fumer le prend, il glisse sa main dans la poche avant de sa chemise noire et sort son paquet de cigarettes.
Mais déjà le petit vieux revient, lui agitant le trousseau de clefs sous le nez.

« Tenez. L'appartement a été refait à neuf, aménagé comme vous l'avez demandé. »

Colin prend le temps de s'allumer sa clope avant de récupérer ses clefs, les glissant dans la poche de son jean.

« Du courrier ?! »
« Non, rien. Prenez l'escalier là-bas, c'est au troisième mais il est interdit de fumer entre les étages ! »
« Vous pouviez pas le dire plus tôt ?! »

Un soupire d'exaspération s'affiche sur le visage de Colin, il écrase sa clope sur le mur blanc encadrant la loge, y laissant une marque brune.

« Hey ! La peinture vient d'être refaite !!! »
« Et alors ?! »

Il plonge son regard dans celui du concierge, intimidant, qui n'ose pas moufeter et décide de lui fausser compagnie, s'enfermant dans sa loge.
Bon débarras.. Colin fait un tour d'horizon, les façades sont dans un état déplorable, espérons que ça soit mieux à l'intérieur.
Il remonte d'un geste calculé la lanière de son sac sur son épaule et prend les escaliers pour atteindre le troisième étage.
Il y a une vieille odeur de bois mort dans cet escalier, les fenêtres n'ont plus d'âge, depuis quand ça n'a pas été aéré là-dedans ?!
Une sale impression commence à lui ronger les tripes, il s'est fait avoir, son appartement doit être misérable.
Il arrive devant sa porte, au bout du couloir et glisse sa clef dans la serrure, un "clang" résonne et la porte s'ouvre.
Miracle, une odeur de peinture fraîche lui monte aux narines, tout semble impeccable, il entre et claque la porte derrière lui.

« Enfin chez soit. »

Colin abandonne son sac de militaire dans l'entrée et cherche la cuisine.
Un coup d'œil dans le frigo, il est presque vide, une bouteille de jus d'orange par-là, une conserve par ici, mais où sont les bières ?!
Un nouveau soupire d'exaspération s'échappe de ses lèvres, la porte de son appartement claque derrière lui.
Il descend à la recherche d'une supérette et d'un resto rapide, il a soif et les crocs.

( salon - chambre - cuisine - salle de bain )

(3)

En deux heures, Colin a trouvé un snack où manger un morceau.
Un hot-dog avec des saucisses tellement grasses qu'au bout de deux ça vous retourne l'estomac.
Accompagné de frites sentant plus l'huile de friture que la pomme de terre.

Et une petite supérette de quartier pour remplir son frigo de quelques denrées surgelées, pizzas, plats tout prêt et surtout des bières !!!

Le centre-ville est un quartier moins chaud qu'il ne le pensait et on y trouve de tout.
Même quelques dealers discrets qui ne semblent pas craindre la police et font librement la loi.
Mais ce ne sont pas ses affaires, il est venu jusqu'à Heaven Island pour se reposer.
Même si il a déjà été contacté la veille de son départ pour une possible proposition d'emploi, il n'est pas obligé d'accepter.

Rentré dans son appartement, il range tout rapidement dans ses placards et ouvre une canette de bière.
Il s'installe sur le canapé du salon et s'envoie une rasade, expiant un petit soupire de satisfaction.
Le plus dur a été fait, son passé est derrière lui, il n'a plus qu'à avancer maintenant et suivre le lapin blanc.

La nuque en arrière contre le dossier il ferme les yeux et savoure le silence qui lui a trop manqué ces dernières années.
Cinq, dix, peut-être vingt minutes plus tard un frisson lui secoue la jambe, le sortant de ses rêveries.
C'est son cellulaire en mode vibreur qu'il n'a pas entendu sonné.

"Vous avez un nouveau message."

Il active le rappel automatique et tombe sur son répondeur, c'est ce Tanner dont Jerry lui a parlé qui veut qu'il chaperonne sa fille.
Un job dans ses cordes mais qui ne l'emballe pas trop, mais comme c'est un homme important il ne peut pas refuser cet entrevu.
Il raccroche, décidé à accorder à ce type une petite chance.
Rendez-vous fixé à 17h, il y sera.

( suite )

(9)

( sur l'autoroute )

Cette gamine à supporter c'était vraiment une.. horreur, non seulement elle manquait d'éducation mais en plus elle avait des goûts de chiotte. La musique que crachait l'autoradio lui hérissait les cheveux sur la tête et ça braillait si fort qu'il ne s'entendait même plus penser. Les mains crispées sur le volant, la Ford Torino finit par quitter l'autoroute pour prendre la bretelle qui amenait directement au centre-ville d'Heaven Island, mais c'était sans compter sur ces putains de bouchons qui bloquaient la situation, tous les pecnots allaient au boulot, à moitié réveillés devant leur volant, ça ne risquait pas d'avancer. Colin fit descendre d'une poigne solide sa vitre et passa la tête, braillant littéralement.

« Tu vas la bouger ta caisse ou faut que je descendes pousser ?! »

Elisha, elle semblait amusée par la scène, voir son pauvre garde du corps s'époumoner sur tout ce qui bouge c'était d'une ironie totale, suivant les intonations de la musique elle tapotait du pied et balançait la tête de coté, un sourire espiègle étirant ses lèvres, avant de laisser échapper un gloussement devant le comique de la situation, attirant le regard de Colin qui s'était enfoncé dans son siége, le regard mauvais, lui crachant ses paroles au visage.

« J'peux savoir pourquoi barbie rit comme une dinde ?! »

Elisha perdit son sourire, lui lançant un regard noir tout en croisant ses bras sous sa poitrine la rehaussant, libérant la vue sur l'intérieur de sa cuisse que Colin ne pu s'empêcher de reluquer l'espace d'un instant, trop tentant.

« Bon c'est encore loin là ?! J'ai mal aux fesses dans ce fauteuil pourri ! »
« Faut faire du sport pour se muscler l'arrière-train, ça évite de geindre sans arrêt ! »

___

L'avenue principale finit par se dégager après dix minutes interminables et Colin se gara comme un chef juste devant son immeuble, c'était une veine ! Il se mit au point mort et coupa le contact, mettant enfin fin à cette musique de zouave assourdissante. Eli descendit la première et il prit soin de refermer sa vitre pour éviter de se faire casser dès le premier jour, descendant à son tour en verrouillant sa portière puis la sienne, glissant les clefs dans la poche de son vieux jogging délavé. Il prit ensuite les devants et elle le suivit dans la cour de sa résidence, grimaçant en observant l'état délabré des façades, ne pouvant retenir un petit commentaire.

« C'est la zone ici, vous êtes sur d'être garde du corps et pas dealer de drogue ?! »

Colin jeta un regard noir en arrière et passa devant la loge, tiltant alors en poussant un juron !

« Putain. Les clefs de l'appart' étaient dans la poche de mon jean. »
« Oups ! »

Une fausse mine désolée s'afficha sur les lèvres d'Eli qui y posa ses doigts alors qu'un grognement sourd s'échappait de la gorge de son garde du corps qui tapa comme un malade sur la porte de la loge pour en faire sortir le gardien, tout affolé de tant de brutalité.

« Quoi ?! Qu'est-ce qui se passe encore ?! »
« J'ai oublié mes clefs ! »
« Et ?! C'est tout ?! Pas besoin de s'exciter ! Y a le marathon à la télé !!! »

En effet, la télé braillait là-dedans et si Colin n'avait pas tapé si fort il doutait qu'il aurait été entendu finalement. Le gardien les reluqua tous les deux, attachant plus d'importance à la tenue provocante d'Eli qu'il trouva fort mignonne bien sur, même très jolie et ce fut un raclement de gorge qui le ramena à la réalité. Colin le foudroya du regard et le gardien disparut aussitôt pour aller chercher le double des clefs de l'appartement 32.

« Tenez les v'là, mettez-les dans la boite aux lettres en descendant ! »
« Mh ok.. merci. »

___

Cinq minutes plus tard ils étaient enfin arrivés dans l'appartement de Colin, au troisième étage de cet escalier puant qui sentait la mort, arrachant une grimace aussi bien à l'un comme l'autre. L'appartement n'était pas trop mal décoré mais pour Eli c'était certainement trop rétro et le pire dans cette histoire c'est qu'il n'avait même pas de téléviseur, impensable pour une fille de sa génération.

« C'est quoi cet appart' sordide ?! On s'croirait dans un vieux film d'horreur en noir et blanc. Eurk ! »
« Hey, on y va molo fillette. Quand vous vous serez payer un appart' à la sueur de vot' front, on en reparlera okay ?! »

~ Je rêve, quelle prétentieuse, aaah si elle avait pas papa aux basques elle serait bien dans la mouise celle-là. ~

Ils s'échangèrent encore une fois un regard noir et Colin partit dans la chambre pour récupérer ses affaires alors qu'Eli resta dans le salon, profitant qu'elle n'était plus sous observation constante pour observer la décoration minable de cet appartement qui sentait le renfermé. Son regard fut alors attiré par le répondeur dont le petit bouton rouge clignotait pour annoncer qu'il y avait un nouveau message à lire.. Un sourire espiègle étirant ses lèvres elle ne put s'empêcher de presser le bouton « lecture » pour écouter en toute indiscrétion le contenu de la boite vocale.

Hier à 20h17.
« Colin, c'est maman.
Je voulais juste te dire que ton père et moi acceptons ta décision de partir mais passe à la maison avant.
Nous savons que ce n'était qu'un.. accident regrettable.
On devrait en parler autour d'un bon dîner, je te réserves un couvert pour demain-soir ?!
Rappelles-nous. »

Reconnaissant la voix de sa mère de la chambre, colin débarqua furibond dans la pièce et attrapa vigoureusement le poignet d'Eli, prise sur le fait.

« Je déteste les fouineuses ! »
« J'ai rien fait. Ca s'est enclenché tout seul votre truc ! »
« Ne me prenez pas pour un abruti ! »
« Lâchez-moi, vous me faites mal, espèce de dingue ! J'vous dis que j'y suis pour rien !! »

Un grognement s'échappa des lèvres de Colin qui finit par relâcher sa prise à contrecœur se retenant de lui en coller une derrière bien qu'elle l'avait certainement méritée, il ne supportait pas qu'on s'immisce dans sa vie privée.

« Si vous touchez encore à quelque chose ici, je vous tranche la main avec un couteau de cuisine, c'est clair ?! »

7.

Sa mère?? Ce type là avait une mère? L’idée lui paru si étrange qu’elle faillit éclater de rire, mais Colin arriva dans la pièce furieux qu’elle ait osé écouter ses messages et voilà qu’il la malmenait à présent. Ce type était fou.

- Lâchez-moi, vous me faites mal, espèce de dingue ! J'vous dis que j'y suis pour rien !!
- Si vous touchez encore à quelque chose ici, je vous tranche la main avec un couteau de cuisine, c'est clair ?!

Il se fâchait pour pas grand-chose et après qu’il l’ai lâchée, Eli répliqua.

- Ho bon ça va, on se calme. Vous avez peur de quoi, que je découvre un cadavre dans votre placard?? ..’tain c’est pas vrai ça!..C’est pas moi qui ais eu l’idée de venir ici, chez vous! Tiens encore un truc qu’il serait amusant de raconter à mon père. A peine monsieur Preston commence son job que hop il embarque la fille dans son appart.. Et ensuite, vous voulez peut-être me faire visiter votre chambre?

Eli s’était plantée face à lui, mains sur les hanches, le défiant de porter à nouveau la main sur elle, mais le regard qu’il lui lança valait tous les avertissements. C’est d’un ton impassible qu’il lui répondit:

- Même si c’est-ce que vous souhaiteriez, je n’aime pas les filles faciles et une gamine que plus est! Bon à présent je compte sur vous pour m’attendre tranquillement pendant que je prépare mon sac.

Sourire narquois, il lui tourna le dos pour retourner dans sa chambre. Eli était furax, elle avait eu une envie violente de le frapper, il venait de la rembarrer méchamment.. Très fort…vraiment très fort. Elle se résigna à attendre, s’occupant en regardant quelques photos qu’il avait encadrées sur le mur où sur la plupart, on le voyait en tenue militaire.. Déprimant…

Elle venait de se laisser tomber dans le canapé quand il revint au salon, avec un de ces sacs typiques de l’armée. Eli eut envie de se frapper le front en découvrant le « bagage ».

- Ha monsieur est prêt à partir pour la guerre?

Colin haussa un sourcil, amusé par le choix des mots.

- Est-ce une déclaration?

Eli leva lui fit un sourire en forme de grimace et se redressa, tirant sur sa jupe pour l’ajuster.

- Bon on peut se tirer d’ici à présent? C’est quoi la suite du programme? Visite à maman?

(10)

Là, elle poussait le bouchon un peu trop loin, Colin était prêt à accepter qu'elle lui parle mal, qu'elle lui lance des pics mais toucher à sa famille, à sa mère qui avait toujours tout donné pour lui c'était quelque chose qu'il ne supportait pas et encore moins quand c'était dit avec tellement d'irrespect et de légèreté. Il laissa tomber son sac parterre lourdement sur le sol et s'avança vers le canapé pour se planter devant elle, s'imposant au dessus de sa petite personne, les sourcils froncés, les traits durs et le regard perçant, tendant l'index devant elle, menaçant.

« Encore un mot de travers au sujet de ma mère et vous le regretterez ! »

Cette petite peste se contenta de sourire, pas vraiment impressionnée par ses grands airs dont elle commençait à en prendre l'habitude, il décida alors de la piquer à vif pour lui montrer de quoi il était capable.

« Et en parlant de moman.. comment va la votre ?! .. Ah mais j'oubliais.. elle s'est fait la malle. »

Un sourire cynique étira ses lèvres devant la mine déconfite de la demoiselle qui lui jeta son regard le plus noir, poussant un petit grognement en se retenant surement de se jeter à son cou pour l'étrangler et lui faire ravaler ses paroles. Le sourire de Colin s'effaça aussi vite qu'il était apparu et il se pencha sur elle pour lui attraper le poignet, l'obligeant de force à se relever, collée contre lui qui ne bougea pas d'un poil.

« Ne jouez pas au plus fin avec moi, je suis très à cheval sur la politesse et vous n'aimeriez pas me voir sincèrement en colère ! »
« Fichez-moi la paix, vous n'êtes pas mon père ! »
« C'est vrai, je suis pire ! »

Ils s'affrontèrent du regard et Elisha se détacha violemment de l'étreinte de sa main sur son poignet, le repoussant en arrière pour se dégager de cette position inconfortable, enfin ça dépend pour qui, tâtant par la même occasion son torse musclé. Elle tapa du pied dans le sac militaire et poussa un petit cri de surprise, elle venait de se faire mal l'idiote, sautillant sur deux, trois pas en rageant.

« Y a quoi dans ce sac ?! Du plomb ?! »
« Encore mieux. »

Colin s'approcha et s'accroupit devant son sac qu'il ouvrit sous le regard intrigué de sa protégée, fouillant dans le fond pour mettre la main sur une petite boite en bois vernis, fermé par deux petits loquets et une combinaison chiffrée. Il la posa sur le sac ouvert et rentra les numéros avec beaucoup de prudence, ses index lui empêchant de saisir les chiffres entrés, un petit déclic s'en suivit et il libéra les deux petits loquets pour lui montrer son petit joujou, c'était une arme à feu : unColt45.ACP modèle 1911.A1 modifié qu'il saisit dans sa main gauche avec familiarité, faisant glisser le chargeur.

« Euh. C'est pour quoi faire ça ?! »
« Faire taire les pipelettes. »

Un petit sourire malicieux étira les lèvres du garde du corps qui remplit son chargeur avant de le glisser dans l'arrière de son jean, coincé par la ceinture noir, rabattant sa chemise par-dessus pour le masquer aux regards indiscrets. Il avait profité de son petit séjour dans la chambre pour se changer, pas bête. Il referma ensuite la boite vide et la rangea à sa place dans le sac. Le regard d'Elisha toujours posé sur lui, les sourcils arqués, se demandant peut-être si il disait la vérité ou non, impressionné par la perfection de ses gestes, presque mécaniques.

« Vous pensiez que j'allais assuré votre sécurité avec une bombe lacrymo ?! .. Naïve.. »

Il attrapa la lanière de son sac et la glissa sur son épaule, jetant un regard sur la petite blondinette qui semblait toujours autant sur les nerfs, il s'avança vers elle, attrapant les clefs sur le meuble de l'entrée puis lui pinça la joue.

« On s'détend c'est pas la mère à boire. »
« Raaah, ce que vous êtes agaçant ! »
« Venant de vous, je prends ça pour un compliment. »

Elle avait chassé sa main d'un geste du poignet et il lui avait répondu par un petit sourire en coin, rejoignant la porte d'entrée pour sortir, l'attendant dans le couloir.

« Bon, vous v'nez ?! On va pas camper là ! »
« Et où va-t-on ?! »
« Dans un fastfood, j'ai les crocs ! »

Elle sortit derrière lui, non sans grimacer et il claqua la porte derrière eux.

(suite bar à tapas)