Studio de Maxine

Le studio de Max est situé au dernier étage de l'immeuble, sous les toits. Constitué d'une seule pièce qui sert à la fois de cuisine, salle de séjour et chambre, il n'offre que peu d'espace mais cela lui suffit. Comme elle dit, une petite surface ne demande que peu de ménage ! Le studio dispose également d'une petite salle de bain à laquelle on accède par une petite porte au fond de la pièce principale.

Vêtue d’un simple t-shirt ample, Max sirotait un bol de café tout en regardant distraitement dans la rue à travers la baie vitrée. La journée s’annonçait belle. Elle en profiterait peut-être pour aller au Heaven Park se dégourdir un peu les jambes. Un peu d’exercice lui ferait du bien avant son entretien d’embauche en milieu d’après-midi. Non pas qu’elle soit angoissée à la perspective du rendez-vous, elle n’était pas d’un naturel timide.

Elle se dirigea vers le coin cuisine et contournant le comptoir qui le séparait du reste de la pièce, elle alla déposer son bol dans l’évier. Elle ferait la vaisselle en rentrant. Elle retraversa la pièce dans l’autre sens pour atteindre le placard qui se trouvait à côté du lit. Elle fit glisser la porte coulissante et se mit en quête d’une tenue appropriée. Elle choisit un pantalon de jogging taille basse et un débardeur moulant assorti. Elle se débarrassa du t-shirt qui lui servait de pyjama et enfila ses vêtements de sport. Elle prendrait une douche à son retour.

Une fois habillée, elle se donna la peine de tirer sur la couette pour donner l’illusion que son lit était fait. Puis prenant son baladeur sur la table basse elle vissa les écouteurs sur ses oreilles et sortit dans le couloir. Elle dévala l’escalier – de toute façon il n’y avait pas d’ascenseur – et une fois en bas, elle récupéra son vélo attaché à la rampe. Elle s’installa en selle et prit la direction du centre ville.

Max et Alessandro arrivèrent enfin en bas de l’immeuble. A pied, cela faisait une petite trotte depuis Heaven Park. Ils entrèrent dans le hall et tandis que Max attacha son vélo à la rampe, elle leva les yeux vers les étages supérieurs.

-J’espère que vous n’êtes pas trop fatigué, j’habite au dernier étage et comme vous le voyez il n’y a pas d’ascenseur.

Sur ces mots, elle commença à grimper les escaliers quatre à quatre. Bien que lui aussi sportif, Alessandro avait du mal à la suivre et il était essoufflé quand elle s’arrêta enfin devant la porte de chez elle pour introduire sa clef. Il la suivit à l’intérieur et elle referma derrière lui. Elle lança ses clefs sur la table basse qui trônait au milieu de la partie salon.

-Mettez-vous à l’aise.

Et avant qu’il ait pu ajouter quoi que ce soit, elle avait disparu dans la salle de bain. L’instant d’après il pouvait entendre l’eau de la douche couler. Elle ne fut pas longue et à peine dix minutes plus tard, elle ressortait, une serviette enroulée au dessus de la poitrine pour masquer sa nudité et les cheveux dégoulinants. Elle haussa un sourcil amusée en constatant qu’Alessandro ne s’était déplacé que d’un pas ou deux pendant ce laps de temps. Elle ne put se retenir de pouffer quand il détourna le regard, sans doute gêné de la voir si peu vêtue.

Elle se dirigea vers son placard et en sortit un jean et une chemise assez courte dont les deux pans plus longs devaient aller se croiser dans le dos avant de revenir se nouer juste au dessus du nombril. Elle retourna dans la salle de bain pour s’habiller mais laissa la porte ouverte.

-Vous avez peur que le canapé vous engloutisse ?

Elle réapparut habillée cette fois et se dirigea vers le coin cuisine.

-Qu’est-ce que vous voulez boire ?

Max ouvrit son réfrigérateur et en parcourut le contenu. Elle en sortit une bouteille de coca-cola et attrapa deux verres dans un placard. Tandis qu’elle les remplissait, elle expliqua.

-J’ai plus d’eau minérale et l’eau du robinet est dégueulasse. Alors ce sera du coca.

Elle remit la bouteille au frais et revint dans la partie salon les deux verres à la main. Elle en tendit un à Alessandro et trempa ses lèvres dans le deuxième.

-Vous savez quand on a qu’une seule pièce, c’est pas très difficile à décorer…

Comme il était de nouveau debout, elle désigna le canapé.

-Vous lui en voulez à mon canapé, hein ? Qu’est-ce qu’il vous a fait ? Je lui avais pourtant dit de bien se tenir quand j’avais des invités. Mais que voulez-vous, les canapés de nos jours…

Elle lui jeta un regard en coin et remarqua qu’elle avait enfin réussi à lui arracher un vrai sourire. Qu’est-ce qui fallait pas faire… Alors qu’il consentait à s’asseoir pour de bon, elle-même prit place en tailleur sur la table basse.

Ah ! Enfin il se décidait à parler. Bon y avait encore du boulot, mais tout n’était pas perdu. Max était certaine de parvenir à le dérider avant la fin de l’après-midi. Ça prenait presque une tournure de défi.

Elle vida là moitié de son verre et le posa sur la table basse à côté d’elle avant de lever ses mains devant elle en agitant les doigts pour signifier l’absence d’une quelconque alliance. Avec un grand sourire elle répondit.

-Niet, nada.

Elle ajouta avec un clin d’œil, consciente que ce qu’elle allait dire le mettrait une nouvelle fois dans l’embarras, mais elle ne pouvait s’empêcher de le taquiner.

-La voie est libre. Une chance pour vous, hein ?

Elle éclata de rire devant son expression dépitée. Il avait vraiment l’air de se demander dans quel guêpier il s’était fourré.

-Hey ! Relax. Je vous ai déjà dit que je ne mordais jamais le premier soir. Faut vraiment que vous appreniez à vous détendre.

Max termina son verre de soda et le reposa de nouveau à côté d’elle. Elle afficha une moue sceptique.

-Mouais… je suis moyen convaincue là.

Elle pencha la tête sur le côté.

-On vous a déjà dit que vous ne saviez pas mentir ? Cela dit vous n’avez pas vraiment le profil d’un menteur.

Elle sourit et ajouta.

-Laissez-moi faire, j’ai une solution pour vous aider à décompresser.

Avant qu’il ait pu voir venir ce qu’elle s’apprêtait à faire et qu’il ait pu protester, elle avait escaladé le dossier du canapé et se trouvait à présent derrière lui. Elle apposa ses mains sur sa nuque et entreprit de le masser. Elle commenta avec ironie.

-Détendu hein ? Tu parles ! J’ai jamais vu un paquet de nerf pareil !

Ses doigts experts trouvaient les nœuds et s’appliquaient à les détendre. Alessandro, n’ayant pas vraiment le choix, se laissait faire.

Max ne répondit pas tout de suite. Elle était satisfaite d’avoir réussi à le mettre un peu plus à l’aise, mais elle ne s’était pas attendue à recevoir un compliment. D’autant que ça semblait sincère. Elle se reprit bien vite cependant. Elle pencha sa tête sur le côté pour le regarder.

-Et encore vous n’avez rien vu !

Elle continua son massage quelques instants encore avant de se relever.

-Bon c’est pas tout ça mais faudrait peut-être que je vous nourrisse non ?
C’est pour ça que vous êtes venu après tout.

Elle se dirigea vers la cuisine et ouvrit un placard.

-Qu’est-ce que vous voulez manger ?
-Euh… Je ne sais pas…
-Bon bah ce sera du surgelé alors.

Elle ouvrit le congélateur et ajouta.

-Je suis peut-être douée en massages, mais pas en cuisine.

Max regarda son invité cuisiner, ravie de n’avoir qu’à mettre les pieds sous la table. Il s’amusa de l’étendue de ses lacunes en cuisine, mais elle ne s’en vexa pas, au contraire. Ils commencèrent à manger et la pipelette qu’elle était prit la parole.

-Je suis un cas désespéré hein ? En cuisine je veux dire.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et enchaina.

-Ma mère a bien essayé de m’apprendre mais elle a vite renoncé. J’ai même failli mettre le feu à la cuisine une fois. Depuis, je n’ai plus le droit d’y mettre les pieds.

Elle se tut un instant, le temps d’avaler quelques bouchées.

-C’est délicieux. Faudra que vous m’appreniez si vous avez pas peur des causes perdues.

-Mais je vous en prie ça sera avec plaisir... il n'y a de cause perdue que s'il y a mort d'Homme... ou de femme en l'occurrence, répondit-il un sourire timide mais sincère

-Ça c’est vous qui le dites. Vous m’avez pas encore vue aux fourneaux !

Quand ils eurent terminé elle débarrassa et mit les assiettes dans l’évier en compagnie du bol qu’elle avait déjà abandonné le matin. La vaisselle attendrait bien encore un peu. Ils retournèrent s’installer dans le canapé. Cette fois Maxine prit place à côté d’Alessandro et non pas en face sur la table basse. Mais elle se releva rapidement.

-Un peu de musique ça vous dit ?

Sans attendre sa réponse, elle se dirigeait vers la petite chaine hifi et introduisait un disque dans le tiroir. Les enceintes commencèrent à diffuser un rythme digne des meilleures boîtes de nuits. Déjà elle revenait vers lui avec un sourire malicieux sur les lèvres. Avant qu’Alessandro ait le temps de réaliser ce qui lui arrivait, elle l’avait pris par la main et entrainé derrière elle. Elle poussa la table basse du pied pour dégager un peu d’espace et entreprit de se déhancher au rythme de la musique sans lui laisser vraiment d’autre choix que de la suivre.

D’abord réticent, Alessandro finit par se laisser convaincre. A mesure que la musique s’échappait des enceintes, leur danse devenait plus sensuelle. Elle fut agréablement surprise quand il finit par se jeter à l’eau et prit les devants. Elle répondit à ses baisers avec ferveur. Finalement ça avait été moins difficile que prévu.

Comme elle l’encourageait dans cette voie, il s’enhardit et ses mains se firent baladeuses. Max, pendant ce temps, lui faisait traverser la pièce l’air de rien… jusqu’au lit où elle le poussa doucement. Elle grimpa elle aussi sur le matelas et il recommença à l’embrasser. Elle sentait malgré tout encore une pointe de timidité aussi prit-elle l’initiative de le débarrasser de son t-shirt de sport avant de retirer son propre haut. La musique continuait de jouer, le disque était passé à la piste suivante, mais ni l’un ni l’autre n’y prêtait plus vraiment attention.

Au rythme de leurs baisers, ils continuèrent de s’effeuiller mutuellement. Leurs respirations s’accéléraient et la température dans le petit studio étaient montée de quelques degrés. Très vite, ils se retrouvèrent nus, leurs mains partant à la découverte du corps de l’autre, tandis que leurs lèvres ne se quittaient que pour mieux s’attarder sur les parcelles de peau frémissantes. Au début, c’est Max qui menait la danse, mais très vite le peu de réserve qui restait à Alessandro s’envola et quand il entra en elle, ils n’auraient su dire lequel des deux avait pris l’initiative.

Alors que leurs deux corps se mouvaient à l’unisson, le plaisir peu à peu les déconnecta de la réalité. Les minutes s’égrainaient sans qu’ils y prêtent la moindre attention. Plus rien n’importait que la communion de leurs deux corps affamés. La tension atteint son paroxysme et une dernière secousse vint les délivrer. Ils s’écroulèrent sur le lit, toujours enlacés. Les doigts d’Alessandro s’attardaient dans les cheveux de Max. Elle ne le quittait pas de yeux. Son expression laissait deviner qu’il avait du mal à croire à ce qui venait de se passer.

Max attrapa sous l’oreiller la tunique qui lui servait de pyjama et l’enfila avant quitter le lit elle aussi. Elle s’approcha d’Alessandro. Il lui tournait le dos, comme gêné. Elle passa ses bras autour de sa taille et posa son menton sur l’épaule du jeune homme.

-Quelque chose ne va pas ? Tu as l’air bizarre.

Il se tourna vers elle. Il arborait un visage sombre. Max plongea son regard dans le sien. Que se passait-il dans sa tête ? Pourquoi, alors qu’il semblait si bien l’instant d’avant, était-il si mal à présent ? On aurait dit qu’il avait honte. Mais de quoi ? Ils n’avaient rien fait de mal bien au contraire. Elle demanda d’une voix douce.

-Tu regrettes ?

Elle ne voyait pas d’autre explication à ce brusque changement. Elle prit son menton et approcha son visage du sien pour déposer un tendre baiser sur ses lèvres. Avec un sourire elle ajouta.

-Si ça peut de rassurer, moi pas. On a passé un bon moment non ?

Elle n’arrivait pas à comprendre ce qui pouvait le perturber. Elle ne soupçonnait pas que c’était leur conception radicalement différente de ces choses qui en était la cause.

La jeune femme se leva et vint glisser ses bras autour de sa taille, sentant bien que quelque chose n'allait pas. Alessandro ne répondit pas à chacune de ses questions, ce qui ne faisait qu'allimenter la tension de plus en plus palpable. Tout à coups, elle lui sortit une phrase qui donna l'impression à l'infirmier de recevoir un coup de couteau dans le coeur :

-Si ça peut te rassurer, moi pas. On a passé un bon moment non ?

"Un bon moment"... voilà ce que cela représentait pour elle : juste un bon moment. Aucun sentiment, juste un besoin physique dont on dit qu'il est l'apanage de la gente masculine. Et bien là, c'était la femme, le prédateur, et l'homme, la proie ; proie mangé toute crue au premier bond. Toutefois, il répondit d'un ton qui se voulut neutre :
- Oui ! Très bon même.

Alessandro se défit de la prise de Max et commença à se rhabiller. Elle resta plantée là pendant un instant. Le silence devint vite pesant et voyant le jeune homme ne plus rien dire, elle reprit la parole comme à chaque fois :
- Tu es sûr ? On ne dirait pas !
- Si ! Si ! Mais je vais pas te déranger plus longtemps.

Se rendait-elle compte à quel point ces trois mots l'avaient blessé ? Alessandro n'en savait rien et une partie de lui, ne voulait pas le savoir. Il avait trop l'impression de n'avoir été qu'un objet sexuel, et que dès qu'il serait sortit de ce studio, elle l'oublierait pour surement passer à un autre.

**J'ai été stupide de croire que je puisse l'intéresser. Oh ! Et puis qu'est ce que j'ai à perdre... allez arrête de te lamenter sur ton sort ! T'es plus un gamin tout de même. Tente ta chance tu verras bien... Oui ! C'est ca, je lui demande et si elle rappelle pas, c'est pas si grave après tout !** En réalité, il ressentait tout autre chose. Il avait craqué pour elle dès le premier regard, le premier échange.

- Est-ce que c'est toujours d'accord pour le cours de cuisine ? Demanda t-il, sourire de retour sur ses lèvres bien que timide, alors qu'il finissait de remettre son tee shirt.
- Evidement ! Si cela te tente toujours... bien sûr !
- Mais oui, sinon je te le proposerais pas, voyons ! Alors je t'invite chez moi...

Alessandro se mit à fouiller son portefeuille et en sortit une carte professionnelle sur laquelle il rajoute son adresse privée au dos.
- Voilà tu as tout ! Appelles moi pour me dire quand tu seras libre afin de faire coïncider nos emplois du temps bien que j'ai encore deux jours de repos.
- Oui ! Pas de problème je t'appelles dès que j'en sors.
- Comme tu veux !

L'infirmier venait de finir de se vêtir, il était prêt à partir, il se dirigea vers elle et ne put s'empêcher de l'embrasser une dernière fois. Une petite voix lui disait d'en profiter, que cela serait surement la dernière. Max ne pouvait être dupe de cette signification tant il fut intense. Puis tout à coup, le jeune homme se redressa et prit congès.
- Je croise les doigts pour ton entretien et te souhaite bonne chance. lui dit-il d'un ton transpirant la sincérité pourtant. A bientôt !
- A bientot Alessandro.

L'infirmier repartit chez lui en courant... de plus en plus vite jusqu'à ne plus rien pouvoir penser, revivre de cette demie-journée. Il courait à perdre haleine, se dirigeant comme un automate dans les rues de la ville. Il arriva chez lui exténué.

Max referma la porte derrière Alessandro et se dirigea vers la baie vitrée pour le voir partir en courant. Quand il fut hors de vue, elle se détourna. Elle posa la carte de visite sur le comptoir de la cuisine et prit la direction de la salle de bain. Elle devait se préparer pour aller à son entretien. Elle avait encore une heure devant elle, c’était largement suffisant.

Elle se rhabilla et se maquilla légèrement. La musique tournait toujours. Elle chercha la télécommande pour monter le son. Quand elle eut terminé de se préparer, elle se dirigea vers le coin cuisine et se résigna à faire la vaisselle. Elle s’essuyait les mains avec un torchon quand la carte de visite sur le comptoir attira son attention. Si elle la laissait là elle allait la perdre, c’était sûr.

Max se mit alors en quête de son portable. Après avoir cherché dans à peu près tout l’appartement, elle finit par mettre la main dessus. Il était à sa place, dans son sac à main… elle navigua rapidement dans le menu pour ajouter une nouvelle entrée dans le répertoire. Elle enregistra le numéro qui figurait sur la carte de visite. Comme ça au moins si elle la perdait, ce qui allait sans doute se passer, elle aurait encore le numéro d’Alessandro.

Elle reposa la carte de visite au milieu du comptoir et rangea son téléphone après avoir consulté l’heure. Il était temps qu’elle y aille. Elle coupa la musique et quitta le petit appartement.

Arrivée au pied de l’immeuble, Max attacha son vélo comme à son habitude et grimpa les escaliers pour rejoindre son studio. Elle était satisfaite de la façon dont les choses s’étaient déroulées. Elle avait obtenu la place et l’ambiance de travail promettait d’être bonne. Le décor était sympa, Dana qui serait une de ses collègues lui était apparue fort sympathique… et puis ce n’était pas très loin de chez elle finalement. Elle en avait pour dix minutes en vélo.

Une fois chez elle, Max se dirigea directement vers le réfrigérateur pour se servir à boire. Elle récupéra sur l’égouttoir un des verres qu’elle avait lavés avant de partir et y vida le fond de la bouteille de coca. Elle alla siroter sa boisson devant la baie vitrée tout en réfléchissant à ce qu’elle allait faire de sa soirée. Ses pensées dérivèrent, la ramenant aux événements du début de journée. Un sourire éclaira son visage.

Elle alla déposer son verre dans l’évier et partit à la recherche de son téléphone. Elle le trouva tout de suite cette fois. Il n’avait pas quitté son sac. Elle ouvrit le clapet et s’aperçut que l’écran était éteint. Plus de batterie… Elle posa l’appareil sur le comptoir et se mit en quête du chargeur. Où est-ce qu’elle avait bien pu le laisser encore ?

Et pour la deuxième fois de l’après midi, elle chercha dans tout l’appartement. Mais cette fois, ses efforts ne furent pas récompensés. Elle eut beau se mettre à quatre pattes pour regarder sous les meubles, impossible de remettre la main sur le chargeur. Elle se releva et réfléchit à une solution. Elle décida finalement d’aller à la cabine téléphonique au coin de la rue. Elle n’avait pas de ligne fixe.

Elle prit donc son sac ainsi que la carte de visite sur le comptoir. Carte de visite qu’elle n’avait par miracle pas encore égarée. Elle sortit et dévala l’escalier.

Max fixa son vélo à la rampe et grimpa les escaliers quatre à quatre. Elle devait prendre une douche et se préparer pour son premier jour au Kamea. Une fois dans son studio, elle commença par s’approcha de la chaine hifi et l’alluma. Tandis que la musique commençait à s’échapper des enceintes, un petit objet posé à côté de l’appareil attira son attention… Son chargeur de portable ! Elle décida de le brancher avant de le perdre à nouveau.

Ensuite, elle se dirigea vers la salle de bain. Elle abandonna ses vêtements sur le sol et entra dans la douche. Elle en ressortit quelques minutes plus tard, dégoulinante des pieds à la tête. Sans prendre la peine de se couvrir, elle regagna la pièce principale et fouilla son armoire.

Elle opta pour un haut dont les fines bretelles dénudaient ses épaules. Le tissu noir épousait sa poitrine pour descendre ensuite avec légèreté jusqu’à ses hanches. Elle enfila ensuite un pantalon moulant de la même couleur, légèrement évasé au niveau des chevilles. Elle compléta sa tenue par des chaussures à talons qui s’attachaient par une fine lanière autour de la cheville mais au lieu de les enfiler, elle les mit dans son sac. Les talons ne seraient pas très pratiques pour se rendre au club en vélo.

Elle chaussa donc une paire de tennis qui juraient avec sa tenue. C’était juste pour le trajet. Elle avait encore un peu de temps avant de partir et entreprit un peu de rangement. Vint l’heure de se mettre en route. Elle récupéra son portable qui avait fini de charger et le mit dans son sac avant de quitter son studio et de prendre le chemin du Kamea.

Quand Max rentra chez elle, elle alla directement se coucher. Elle prit juste le temps de se déshabiller et d’enfiler sa tunique avant de se glisser sous les draps. Morphée vint presque immédiatement la trouver pour l’emmener au creux d’un sommeil réparateur. La nuit bien que riche en satisfactions, avait été épuisante. Sur le moment elle ne s’en était pas rendu compte, mais à présent qu’elle se posait, elle accusait la fatigue.

Les jours qui suivirent se déroulèrent sans qu’aucun évènement particulier ne vienne les marquer. Max se levait aux alentours de 15-16h, vaquait à ses occupations avant d’aller au Kamea gagner sa croute. Elle s’y sentait tellement bien qu’il lui arrivait même de s’y rendre en tant que cliente lors de ses soirs de repos.

Un matin, alors qu’elle dormait profondément après son troisième jour de boulot, elle fut réveillée par quelqu’un qui frappait à sa porte. Elle hésita un instant à aller ouvrir, mais se ravisa. Elle n’avait aucune envie de se lever et de prendre le risque de se réveiller totalement. Elle se tourna sur le côté, enfouissant sa tête dans son oreiller et se rendormit sans soupçonner un instant ce qui se passait dans la tête d’Alessandro de l’autre côté de la cloison.

Elle ne l’avait pas appelé durant ces derniers jours et ne donna pas davantage de nouvelles les jours suivants. Non pas qu’elle ne se souciait plus de lui, mais elle était bien trop absorbée par le nouveau rythme que prenait sa vie. Son emploi au Kamea était de loin le plus agréable qu’elle ait eu jusqu’à présent et elle s’y épanouissait. Le problème, c’est qu’elle en négligeait le reste, et Alessandro faisait partie de ce reste.

Max avait travaillé la nuit précédente et dormait à présent d’un sommeil réparateur. Cela faisait maintenant une semaine qu’elle faisait partie du personnel de Kamea. Elle était en plein rêve quand elle fut réveillée en sursaut par un bruit de perceuse ! Elle grommela avant de jeter un œil au réveil. 10h seulement. Qui donc osait la réveiller si tôt ? Elle tenta de se rendormir mais quand ce n’était pas la perceuse, c’était le marteau.

Elle finit par se lever pour aller voir de quoi il s’agissait. Elle ne prit pas la peine de s’habiller et sortit pieds nus et en tunique sur le palier. Visiblement, cela venait du studio mitoyen au sien. Bizarre, il était inhabité. Elle s’approcha de la porte et écouta. Et pourtant si. Entre deux coups de marteau, elle distinguait des voix. Elle tambourina à la porte, bien décidée à dire ce qu’elle pensait de ce tintamarre scandaleux !

Un homme au crâne rasé, la trentaine, vint lui ouvrir. Avant même qu’il ait eu le temps de la saluer, elle attaquait. Elle était de très mauvaise humeur. S’il y avait bien une chose qu’elle détestait, c’était qu’on la réveille.

-C’est pas bientôt fini ce boucan ? Y en a qui dorment !

Il s’apprêta à se défendre, mais la perceuse vint couvrir sa voix. L’homme se tourna vers l’intérieur et parla à une personne que Max ne pouvait pas voir.

-Adam tu veux bien arrêter deux minutes s’il te plait ?

Il se tourna de nouveau vers Max pour s’excuser.

-Désolé de vous avoir réveillée. On avait pensé qu’à 10h ça irait.

Mais déjà, la jeune femme s’était déridée, la curiosité prenant le dessus.

-Vous venez d’emménager ?

Un autre homme venait d’apparaître aux côtés du premier et c’est lui qui répondit.

-Oui nous sommes arrivés hier.

Le chauve reprit la parole.

-Je vous présente Adam mon compagnon. Moi c’est Ben.

Max sera la main qu’il lui tendait et sourit.

-Moi c’est Max la râleuse d’à côté. Au moins je saurai à qui venir demander du sucre quand je serai en rade.

Elle étouffa un bâillement et demanda.

-Vous m’offrez le café pour vous faire pardonner ?

Les deux hommes se regardèrent échangeant un sourire. C’est Ben qui répondit tout en s’effaçant pour la laisser entrer.

-Avec plaisir. Entre.

Le tutoiement était venu naturellement. Max entra et Ben referma la porte derrière elle. Une relation de très bon voisinage venait de voir le jour.

On frappait à la porte du studio de Max. De l’autre côté du panneau, une voix appela.

-Max t’es prête ?
-Oui, oui, j’arrive.

Elle alla ouvrir et sortit pour retrouver Adam sur le pallier. Il lui avait demandé de l’accompagner afin de trouver un cadeau en vue de l’anniversaire prochain de Ben. Ils n’avaient que peu de temps devant eux pour préserver la surprise. Max ayant travaillé la veille, ils n’avaient fixé l’heure du départ qu’en milieu d’après-midi et ils devaient être rentrés avant Ben qui finissait sa journée vers 18h30.

Max pour l’occasion avait revêtu un jean délavé et un simple t-shirt jaune. A ses pieds, elle avait chaussé une paire de converses. Adam lui, en jean également, avait ajouté une veste en toile qu’il portait ouverte sur un t-shirt blanc. Tandis qu’ils descendaient, Max demanda.

-Alors on va les faire où ces achats ?
-Romeo Drive.
-Waouh ! T’es plus riche que moi !
-Non pas vraiment, mais 30 ans ça se fête alors je vais me serrer la ceinture.

Max éclata de rire. Une fois dans la rue, ils marchèrent quelques mètres avant de grimper dans la voiture d’Adam.

Adam et Max se dépêchèrent de descendre de voiture quand ils arrivèrent devant l’immeuble. Ils avaient aperçu Ben qui rentrait et Adam ne voulait pas qu’il se doute de quoi que ce soit. Ils grimpèrent l’escalier quatre à quatre, ce qui s’avérait difficile tant ils riaient. En effet Max ne pouvait s’empêcher de faire le pitre, ponctuant leur course de grimaces théâtrales sur l’hypothétique catastrophe d’être surpris par Ben.

Cependant, c’est une toute autre catastrophe qui se produisit. L’immeuble n’était pas de la première jeunesse, et il en allait de même pour l’escalier. Les marches en bois étaient fragilisées par un manque d’entretien régulier. L’une d’elle céda sous Max et bien que se rattrapant à la rampe, elle n’évita que la descente jusqu’au pallier inférieur, mais pas la chute. L’instant de surprise passé, elle se tourna pour s’asseoir sur la marche supérieure. Adam, ne soupçonnant pas encore les conséquences avait du mal à contenir son fou rire.

-Ça va Max ?

Celle-ci grimaça avant d’articuler lentement.

-Ça pourrait être mieux.

Son sourire diminuant alors que la réalité loin d’être drôle s’imposait, il lui tendit la main pour l’aider à se relever. Main que Max broya quand elle tenta de prendre appui sur sa jambe gauche. Une douleur lancinante lui vrillait le genou. C’est ce moment que Ben choisit pour arriver à leur hauteur. Surpris il demanda.

-Bah qu’est-ce que vous faites là tous les deux ?
-Euh…
-Je viens de me vautrer lamentablement.

Ils se placèrent chacun d’un côté de la jeune femme pour la soutenir et achever l’ascension jusqu’à leurs studios respectifs. Une fois sur le pallier, Adam s’inquiéta de savoir si ça allait.

-Oui, oui, t’inquiète pas, ça va aller.

En boitant Max rentra chez elle. Moins de cinq minutes plus tard, elle tambourinait à la cloison au dessus de son lit, partie du mur mitoyenne avec l’appartement de ses voisins. C’est Ben qui répondit à l’appel et ouvrit la porte pour passer la tête dans l’entrebâillement, une expression interrogative sur le visage.

-Finalement ça va pas.

Elle grimaça avant de préciser.

-Je douille sévère là.
-Si je comprends bien on va te servir de taxi jusqu’à l’hosto c’est ça ?
-Je vais avoir un peu de mal en vélo en effet.


Quand ils rentrèrent enfin de l’hôpital, la soirée était déjà bien avancée et Max était d’une humeur massacrante. Ses voisins avaient cru qu’elle allait étrangler le médecin qui s’était chargé d’elle quand ce dernier lui avait annoncé un minimum de deux semaines d’immobilité totale. Elle l’avait traité de quantité de nom d’oiseaux dont ses amis ne connaissaient pas la moitié mais n’avait pu éviter le plâtre.


Les jours qui suivirent, Adam et Ben passèrent le plus clair de leur temps dans le studio de Max. Malgré l’interdiction de bouger, elle avait bien essayé de se lever. Mais ses tentatives, en plus de se solder par un échec, avaient été ponctuées de réprimandes de la part de ses deux anges gardiens. Ils devaient par ailleurs supporter sa mauvaise humeur. Elle ne supportait pas de rester inactive et le leur faisait bien sentir.

L’idée d’appeler Alessandro pour lui tenir compagnie lui avait effleuré l’esprit, mais sa fierté l’en avait dissuadée. Son orgueil en prenait déjà un coup de dépendre de ses voisins, elle ne voulait pas ajouter une bonne âme de plus au tableau. Elle était donc restée à ruminer sans lui donner plus de nouvelles que les jours précédents.