Villa de MYST...

Star Nombre de messages : 12 Date d'inscription : 06/02/2008

Soleil, luxe et corps bronzés.
A travers les vitres fumées de la limo, Hayden regardait d’un air morne défiler la route et le paysage de rêve qu’offrait Heaven. Heaven Island…Le paradis du fric… Elle ferma les yeux quelques instants et posa la tête contre la glace fraîche. A côté d’elle Maxine se dévissait le cou pour ne rien manquer, en poussant de temps en temps des cris du style :

- Oooh cette plage ! Tu as vu Hay, il faudra qu’on y aille…

Elle peinait à couvrir le son de la radio qui déversait une sorte de soupe inaudible. Chase, apparemment aux anges, observait les réactions de Max en battant la mesure du bout de ses chaussures impeccablement cirées. Tob était assis juste à côté de la sœur aînée, la main autour de sa taille, avec l’air de celui qui est habitué à ce genre d’effusions ; Albert, de l’autre côté, avait les bras croisés sur le torse et semblait perdu dans ses pensées, imperméable à ce qu’il se passait autour de lui.

- Où est-ce que tu as dit qu’on allait habiter, Chase ?
- Lorena Hills, mon grand. La crème de la crème sur cette île. J’ai fait venir un architecte français dont tout le monde parle en ce moment… Le type qui monte, quoi… Et je ne suis pas déçu. Mais attendez voir… On arrive.

La voiture passa le portail en fer forgé d’une grande propriété puis s’arrêta en douceur, et Chase coupa la musique à regret. Tout le monde sortit et ce fut Tob qui poussa le premier un sifflement admiratif.

Hayden leva brièvement les yeux sur le dernier délire en date de Chase… Bon, ce coup-ci, elle était bien obligée d’admettre que la villa était loin d’être hideuse. Mais autant d’espace, pour eux seuls ?

- Bienvenue chez les nababs, mes cocos… La piscine te plait, Tobey ? Regarde, l’eau s’écoule par là, est immédiatement traitée et réutilisée, pas de gaspillage… L’écolo c’est très « in » ces derniers temps… Bon, ne restez pas plantés là comme des grandes nouilles, je vais vous faire le tour du proprio…

L’agent de la Naïve pianota sur le digicode de l’entrée avant d’introduire une clé dans la serrure.

Il parcourut rapidement la villa avec les quatre autres, en expliquant d’un ton de promoteur immobilier :

- 780 mètres carrés habitables répartis sur deux étages plus sous-sol, six chambres, trois salles de bains dont une avec jacuzzi, espace complètement ouvert façon loft au premier avec grande cuisine américaine… Idéal pour fêtes et réceptions en tout genre… La baie vitrée à l’arrière donne sur la terrasse et la piscine. Quant au sous-sol, comme vous pouvez le voir, il a été aménagé en salle de répétition… La sono est dernier cri, bien entendu. Vos affaires ont d’ores et déjà été amenées et rangées… Il ne vous reste plus qu’à vous partager les chambres…

Mais personne ne l’écoutait déjà plus ; Hay avait filé à l’anglaise la première pour explorer la maison par elle-même, et les trois autres n’avait pas tardé à suivre.
Chase se retourna vivement et s’aperçut qu’il était seul à parler dans l’immense salon ; des bruits de voix résonnaient au premier :

- Je veux cette piaule-là !
- Même pas en rêve !!

Chase poussa un soupir désabusé. Ce n’était qu’une bande de grands gamins, et on allait les laisser jouer aux stars ici, à Heaven Island… Le paradis du vice…

- Je pars ! Mon numéro est dans la mémoire du téléphone fixe, si besoin !

- A moi !
- Tu REVES j’te dit !

… Fut tout ce qu’il obtint en retour.
La porte d’entrée claqua avec un bruit sourd qui se réverbéra sur les murs presque nus pendant un petit moment.

Star Nombre de messages : 12 Date d'inscription : 06/02/2008

Ambiance 1

Pratiquement une semaine s’était écoulée et la vie commençait à s’installer paisiblement dans l’immense bicoque que Chase nommait pompeusement « villa ». Une fois n’est pas coutume, Hayden, de guerre lasse, avait fini par laisser à sa sœur la chambre qu’elles convoitaient toutes deux, et par en choisir une autre, presque identique mais située à l’exact opposé de la maison. Au moins, avait-elle songé avec une pointe de cynisme, ne serait-elle pas témoin de ce que faisait Maxine dans son intimité avec toutes sortes de personne – et avec une personne en particulier…
Albert, quant à lui, avait posé ses valises dans la première pièce venue, sans même s’inquiéter de savoir s’il s’y trouvait quelque chose d’à peu près semblable à un lit. Et Tobey… Oh, à dire vrai, la jeune bassiste n’en savait trop rien, et c’était certainement mieux ainsi.
Chase n’avait pas reparu depuis leur arrivée, se contentant de donner un bref coup de téléphone de temps à autre. « Pour s’assurer qu’ils ne s’étaient pas tous fait sauter avec le gaz », selon ses propres mots. Il semblait très occupé sans qu’on puisse lui faire dire de quoi il retournait au juste – et ce n’était pas faute que Max ait essayé, pourtant. La sœur aînée était plutôt du genre coriace, lorsqu’elle s’y mettait.
Oui, pour autant qu’Hayden pouvait en juger, les choses reprenaient leur cour normal à une vitesse surprenante.

- …mine ces jours-ci… Hey ! Tu m’écoutes ?

L’esprit d’Hayden sembla brusquement réatterir dans son corps, provoquant ce petit sursaut involontaire dont tous ceux qui ont tendance à se perdre dans leurs propres pensées ont un jour fait la désagréable expérience. La jeune femme cligna deux ou trois fois des paupières, puis tira longuement sur la cigarette qu’elle avait à la main avant d’acquiescer de la tête d’un air tout à fait convaincu qui ne trompait absolument pas Maxine.

- Je disais que tu n’avais pas franchement bonne mine ces derniers jours… Pas étonnant vu que tu n’as pas mis le nez dehors depuis qu’on est arrivé… Max affichait un sourire un peu narquois, et très, très exaspérant.
- Hmm-hmm.
- Non franchement, fais pas ta mauvaise tête ! Tu devrais sortir un peu… Cette ville est gé-niale. Hier avec Tob, on a trouvé un petit bar vachement sympa au bord de la plage… Il y avait ce type, le barman, qui faisait des cocktails absolument déments et…

Mais Hayden avait de nouveau décroché, l’air définitivement blasée. A présent, elle détaillait du regard le visage délicat de sa sœur, ses pommettes roses et rebondies et ses grands yeux en amande. Comment leurs parents s’étaient-ils débrouillés pour les faire si différentes ? Maxine était la grâce et la joie de vivre incarnée, elle avait quasiment tout réussi, et elle…

- Tu as des nouvelles de Papa ? fit Hay abruptement, coupant la parole à Max qui ouvrit un instant des yeux fulminants avant de se rétorquer d’un ton vaguement boudeur :
- Maaaais euh ! Tu t’en tapes de ce que je te raconte…
- Mais non…
- Alors tu viens ce soir ? Avec nous ? Albert m’a dit qu’il était Ok aussi. Et au fait, non, pas de nouvelles, mais tu sais comment il est. Il n’appellera pas, il a trop peur de nous « déranger »…

Hayden grimaça. Elle venait de se faire piéger comme une débutante. Elle parvint à esquisser un sourire faiblard et laissa échapper un « ça marche » du bout des lèvres, et sa sœur lui fit un clin d’œil puis tourna les talons, visiblement contente d’elle-même.
Hay s’étira sur le canapé, coupa la chaîne qui hurlait (« I can't be arsed to carry on in this debate / That reoccurs ,oh when you say I don't care / But of course I do, yeah I clearly do! »), replia ses jambes démesurément longues en tailleur et écrasa sa cigarette dans le verre qui lui servait de cendrier. Elle jeta un coup d’œil à l’horloge « design » qui trônait sur un des grands murs blancs de leur gigantesque salon. 10 h 15. Le début de la matinée. Qu’allait-elle pouvoir bien faire jusqu’au soir ? Pas étonnant que Max et Tob passent leurs temps à sortir… Sans véritable travail, sans connaissances (à part cet abruti de Chase, bien entendu, mais il ne comptait pas vraiment), sans aucune obligation, ils étaient tous désoeuvrés…
Avec un soupir dépité, elle attrapa la télécommande et appuya sur un bouton au hasard.

-…plusieurs jours d’affrontements d’une intensité rare, la folie meurtrière qui s’est emparé des quartiers pauvres de l’île ne semble vraiment pas décidée à se calmer… Il est toujours impossible de connaître le nombre précis de victimes au moment où nous vous parlons… Le gouverneur récemment élu, Lucrezia De Rossi, s’est pour l’instant…

Une chaîne d’info en continu. Hayden observa le visage déterminé de la femme qui apparaissait à l’écran, suivi d’images rapides typiques d’une guerre des gangs – bâtiments qui flambaient, voitures qui explosaient, entrecoupées de scènes de crime suggestives soigneusement entourées de lignes jaunes et noires, et de déclarations fumeuses d’un grand type qui devait être l’adjoint du procureur :

- Soyez assurés que tout est fait pour assurer la sécurité des bons citoyens de Heaven Island. Nous maîtrisons la situation.

Hayden coupa la télévision d’un geste las. En fait d’île paradisiaque, ça ressemblait plutôt fortement à l’enfer…
Elle se leva pour errer dans la maison sans trop savoir quoi faire, passa par la cuisine pour prendre une bière, suspendit son geste un instant puis la reposa – il n’était que 10 heure du mat’, après tout... Elle n’en était pas encore à ce point là… Il n’y avait qu’Albert pour faire des trucs pareils…
Elle s’aperçut soudain qu’elle était descendue au sous-sol. La porte de la salle de répet’ était légèrement entrouverte, et le son diffus d’un piano filtrait, accompagné d’une voix masculine.

Ambiance 2… Laissez aller un peu avant de continuer à lire…

Elle s’approcha et s’adossa au mur… Du Radiohead… Inutile d’entrer, elle savait qui jouait… Elle se laissa glisser au sol pour écouter, transportée.

All my lovers were there with me … All my past and futures…

Hayden ferma les yeux et serra les poings, ses ongles s’enfonçant dans les paumes de ses mains. Tobey… Avec Max… C’était injuste ! Totalement injuste…

And we all went to heaven in a little row boat…

Dieu qu’il chantait bien… Le rythme lancinant des accords du piano résonnait dans le sol, remontait dans son corps tout entier pour venir cogner dans sa poitrine et dans sa tête…
Elle connaissait les paroles par cœur… Elle les murmurait avec lui…

There was nothing to fear and nothing to doubt…

La voix de Tob avait des accents de tristesse poignants, lui qui paraissait d’habitude si heureux de vivre, si enjoué, si sur de lui. Hayden inspira avec un peu de difficulté… Elle chassa d’un geste rageur une mêche de cheveux qui lui retombait sur les yeux…

There was nothing to fear and nothing to doubt…

Oh Tobey, Tobey…

There was nothing to fear and nothing to doubt…

Elle essuya rapidement une larme salée qui avait roulé sur sa joue. Elle frissonnait.

There was nothing to fear and nothing to doubt.

La fin.
Le piano se tut brusquement et la jeune femme se releva, comme sous l’effet d’un électrochoc. Et si il la trouvait là ? Elle maudit sa faiblesse soudaine. Qu’elle avait été stupide…
Elle avait le visage en feu. Vite, s’en aller…
Elle détala et remonta les escaliers quatre à quatre ; la porte du sous-sol se referma derrière elle au moment précis où Tobey sortait de la salle de répétition.

There was nothing to fear and nothing to doubt…

Star Nombre de messages : 12 Date d'inscription : 06/02/2008

- biiiip -

- Vous avez – trois – nouveaux messages…

La voix mécanique, aux accents bizarrement discordants, résonnait sur les murs nus du 148, Lorena Hills.

- Hmmm ?
« Les enfants, c’est Chase, j’appelais pour dire qu’on a rendez-vous à treize heures mardi, avec le type qui fera l’ingé-son ici… Bon, à la prochaine… »

Avec un grognement, Hayden rabattit la couette par-dessus sa tête. Plus de chaleur, moins de lumière. Parfait.

« Yop, c’est encore moi… Bon, comme on doit voir le type en centre-ville, la voiture passera vous chercher tous… Soyez à l’heure, hein… A demain. »

… Enfin presque parfait, si quelqu’un se décidait à aller éteindre ce #&@$§ ! de répondeur… Hay se recroquevilla, les genoux sous le menton. A travers les brumes du sommeil lui parvenait des bruits étouffés, comme si on tambourinait à une porte. * Ca sert à rien, c’t’ouvert… *
Elle se redressa d’un seul coup et jaillit hors de son lit, soudain assaillie de bruits et de lumière. * Mardi c’est…

« … VOUS ATTEND DEPUIS UNE HEURE, NON MAIS, VOUS VOUS FICHEZ VRAIMENT DE LA G… »

- BAM BAM BAM -

- HAY BOUCHE TOI L’EST QUATORCHE HEU…

… Aujourd’hui.*
Elle avait attrapé un jean et littéralement bondi hors de sa chambre, en bousculant au passage une Maxine en sous-vêtements, brosse à dent à la bouche et la tête des mauvais jours.

- Ca va, pas trop mal aux cheveux ?
- Chalope, postillonna la jolie brune par-dessus la rambarde de l’escalier.

Hayden se retourna pour lui faire une grimace, puis enfila une jambe de jean et se dirigea à cloche-pied vers la cuisine.

- Café ?

Albert était impeccable comme à son habitude, avec la mine radieuse de celui qui a passé sa vie à faire des nuits de douze heures et qui, en plus, a repassé ses fringues le matin.

- Comment tu fais ?
- Jsuis un superhéros.

Il lui colla une bise sur la joue – rituel auquel elle se soumit sans même protester – et posa un mug fumant sous son nez. Puis il s’employa à lui allumer une clope.

- Heureusement que jviens de rentrer, sinon, on était tous morts…
- Ouais.

Elle n’ajouta rien, espérant qu’Albert allait lever le voile sur l’endroit où il avait passé le plus clair de son temps depuis qu’ils étaient arrivés sur l’île, mais celui-ci se contenta de lui rendre son regard avec un petit sourire mystérieux. Puis, il s’assit en face d’elle, se calla sur la chaise et croisa les bras.

- Il s’est passé quoi hier ?
- Comme d’hab, biaisa Hayden. Max a teasé à mort et elle a fait chier tout le monde.
- Tout le monde qui ? Toi et Tob, t’veux dire ?

Elle ne souhaitait pas, mais alors pas du tout avoir cette conversation, et encore moins avec Albert. Elle avala autant de café qu’elle put puis vida le reste de la tasse dans l’évier. Ce fut le moment que Tobey choisit pour passer la tête par la porte, et, pendant un très court laps de temps, elle eut une furieuse envie de lui sauter au cou pour lui avoir sauver la mise.

- Allez, on est parti !

Albert jeta à Hayden un regard à la tu-perds-rien-pour-attendre-ma-vieille et ils suivirent Tob dans le salon.

- Max, descend !
- Oui oui, une minute…
- Max…
- Je prends juste mes boucles d’o…
- TOUT DE SUITE !!

Ils entendirent quelque chose qui ressemblait à un soupir résigné qu’on aurait extrêmement exagéré, puis Maxine se décida à descendre enfin, à son rythme, très princesse ; et ils sortirent pour se retrouver juste devant la grande berline aux vitres fumées qui les attendait. Le chauffeur pianotait sur le volant avec l’air blasé de celui qui est habitué aux caprices de ces messieurs-dames.

- J’ai pas mes lunettes de soleil, chouinait Maxine, quand…

Superbus - Pop'n'gum

- Mon PORTABLE !! glapit-elle, et elle se rua à l’intérieur comme si sa vie en dépendait.

Hayden écrasa son mégot sur la terrasse immaculée puis enfonça les mains dans ses poches et fit quelques pas pour se mettre à l’ombre. Non mais vraiment…
Quelques secondes plus tard, la voix bien timbrée de Max retentissait dans le salon.

- Allooooô ? … Aah, c’est toi, Jazz !... Non non, tu ne déranges ab-so-lu-ment pas…

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